Platon avant Socrate.
Platon (Πλάτων)
est né entre 428 et 426 av. J.-C dans une grande famille athénienne. Par son
père, Ariston, il descendrait de Codros, un ancien roi légendaire d’Athènes. Par
sa mère, il descendrait de Solon (~640-~558 av. J-C.), le législateur. Des
traditions tardives font de Platon un fils d’Apollon qui aurait consommé le
mariage à la place de son père.
Il s’appelait
Aristoclès. Platon est son surnom ; “platos” signifie “largeur” en grec.
Est-ce la largeur de son front ou de ses épaules ? Est-ce l’ampleur de son
style ? (cf. Diogène Laërce, Vies,
doctrines et sentences des philosophes illustres, III).
Il avait deux
frères, Adimante et Glaucon, à qui il fait donner la réplique à Socrate dans La République. Il a eu une sœur, Potonè,
la mère de Speusippe, qui lui succèdera à l’Académie.
Platon a reçu
une éducation soignée, celle de tous les jeunes athéniens nobles. Il a appris à
lire et à écrire avec les grands poètes comme Homère (ix° av. J.-C.) et Hésiode (viii°
av. J.-C.). Il a appris également la musique au sens large et la gymnastique.
Fut-il le
disciple de Cratyle (v° av.
J.-C.), lui-même élève d’Héraclite dit l’Obscur (~541-~480 av. J.-C.), comme
Aristote son élève l’a soutenu ? C’est possible. A-t-il été l’élève d’un
disciple de Parménide (VI°-V° av. J.-C.), Hermogène, comme le soutient Diogène
Laërce (op. cit.) ? Difficile de
le garantir. Cratyle et Hermogène sont les interlocuteurs de Socrate dans un
dialogue de Platon qui a le nom du premier de sorte qu’on peut se demander si
ce n’est pas rétrospectivement qu’on en a fait ses maîtres.
Toujours
est-il qu’il se destine à la politique et au théâtre, deux activités qui ne
s’opposaient nullement comme l’a montré Sophocle (496-406 av. J.-C.).
Comme tout
jeune athénien il a dû faire son éphébie, c’est-à-dire son service militaire.
Platon avec Socrate.
On place sa
rencontre avec Socrate (~469-399 av. J.-C.) vers sa vingtième année, soit entre
408 et 406. Une tradition veut qu’il ait alors brûlé toutes les tragédies qu’il
avait écrites (cf. Diogène Laërce, Vies,
III).
Un passage de
l’Apologie de Socrate peut être considéré comme autobiographique. Platon
y fait dire à Socrate qu’il est imité par de jeune gens riches dans son
interrogation des prétendus sages.
« … beaucoup de
jeunes gens, qui ont du loisir, et qui appartiennent à de riches familles,
s’attachent à moi, et prennent un grand plaisir à voir de quelle manière
j’éprouve les hommes ; eux-mêmes ensuite tâchent de m’imiter, et se
mettent à éprouver ceux qu’ils rencontrent ; et je ne doute pas qu’ils ne
trouvent une abondante moisson ; car il ne manque pas de gens qui croient
tout savoir, quoiqu’ils ne sachent rien, ou très-peu de chose. Tous ceux qu’ils
convainquent ainsi d’ignorance s’en prennent à moi, et non pas à eux, et vont disant
qu’il y a un certain Socrate, qui est une vraie peste pour les jeunes
gens… » Platon, Apologie
de Socrate, 23c-d.
En 404,
Athènes perd la guerre qui l’oppose à Sparte depuis 431. Un nouveau régime,
celui des Trente Tyrans se met en place. Parmi eux se trouve Critias, son
cousin du côté maternel et Charmide, son oncle maternel. Les exactions commises
par ces anciens élèves de Socrate conduisent au rétablissement de la démocratie
en 403 sous la conduite de Thrasybule. Critias et Charmide trouvent la mort
dans les combats. Platon dira dans la Lettre VII
combien il fut déçu par ce gouvernement tyrannique. Il sera tout autant déçu
par la démocratie car c’est un chef du parti démocratique, Anytos, qui
soutiendra l’accusation par Mélétos de son maître, Socrate, avec l’aide de
Lykon.
Il
assiste au procès de son maître en 399 avant J.-C. L’acte d’accusation est
ainsi libellé :
« Socrate est
coupable en ce qu’il corrompt les jeunes gens, ne reconnaît pas la religion de
la cité et met à la place des extravagances démoniques » Platon, Apologie de Socrate, 24b-c, traduction Victor Cousin (1792-1867) modifiée.
Ou bien
Socrate si on en croit son autre disciple Xénophon (430-355 av. J.-C.), y était
« accusé par ses
adversaires de ne pas reconnaître les mêmes dieux que l’État, d’introduire des
divinités nouvelles et de corrompre la jeunesse » Xénophon, Apologie de
Socrate, 10, traduction Pierre Chambry.
Platon est
prêt à participer au paiement de l’amende (cf. Apologie de Socrate, 34a). Mais Socrate est condamné à mort. Il
refuse de s’évader pour rester un homme juste, c’est-à-dire qui obéit aux lois
et décisions de la Cité (cf. Criton).
Il boit la ciguë quelques temps après. Platon est absent au moment de la mort
du maître car il est malade (cf. Phédon, 59 b).
Platon après Socrate.
Platon s’exile
avec d’autres disciples de Socrate par crainte d’être également accusé comme
élève de Socrate. Il se réfugie dans la ville voisine d’Athènes, Mégare,
vraisemblablement dans l’école du philosophe Euclide de Mégare (~450-~380 av.
J.-C.). Peut-être est-il rentré à Athènes au bout de trois ans.
Ensuite, il
voyage. Peut-être est-il allé en Égypte. Le voyage en grande Grèce,
c’est-à-dire dans le sud de l’actuelle Italie pour rendre visite au tyran de
Tarente, le pythagoricien Archytas (~435-347 av. J.-C.), est plus sûr.
En
388, il tente de convertir à la philosophie, mais sans succès, le tyran de
Syracuse, Denys 1er l’Ancien (431-367 av. J.-C.). Il devient l’ami
du jeune Dion (408-354), dont la sœur avait épousé le tyran. Sur le chemin du
retour à Égine alors en guerre avec Athènes, il aurait été vendu comme esclave,
puis racheté par un de ses amis nommé Annicéris.
Vers
387, il achète un domaine doté d’un gymnase et d’un parc situé près du bois
sacré du héros Académos à Athènes. Il en fait une école ou plutôt une sorte
d’université que l’on nomme depuis l’Académie. On y trouve des salles de cours,
des logements pour les étudiants qui affluent de la Grèce entière, une
bibliothèque. Elle fermera une première fois en 86 av. J.-C. lorsque Sulla (138-78
av. J.-C.) pillera Athènes lors de la guerre qui l’opposait à Marius (157-86
av. J.-C.). Elle rouvrira en 176 grâce à l’empereur Marc-Aurèle (121-180) qui
fait renaître également l’école d’Aristote, le lycée, l’école stoïcienne et
l’école épicurienne. Elle connaîtra un dernier éclat avec le néoplatonisme qui
constituera toute la philosophie à partir du III° siècle. Sa fermeture
définitive aura lieu en 529 après J.-C. lorsque l’empereur Justinien (483-565)
interdira aux non chrétiens l’enseignement de la philosophie. Cette très longue
durée explique en partie la remarquable conservation des œuvres de Platon.
Au
printemps 366, à la demande de son ami Dion, il retourne en Sicile pour former
le successeur de Denys l’ancien, son fils, Denys II le Jeune (397-342 av.
J.-C.). Disciple peu enclin à suivre les prescriptions pratiques de la
philosophie platonicienne, Denys le Jeune exile bientôt Dion et relâche Platon
qui était devenu prisonnier.
Il
revient une troisième fois en 361 pour aider Dion qui avait été exilé. Ses
relations avec Denys le Jeune se tendent rapidement. Il faut l’intervention
d’Archytas de Tarente (~435-347 av. J.-C.), homme politique et philosophe, pour
qu’il soit libéré. À cette occasion, il se serait procuré les manuscrits du
pythagoricien Philolaos (V° av. J.-C.) pour une forte somme.
Si
la Lettre VII qui nous a été
conservée sous son nom est authentique, ces différentes tentatives ne sont pas
étrangères à sa philosophie, bien au contraire. Platon a voulu ne pas se
contenter de discours. Il lui fallait aussi montrer que la philosophie pouvait
avoir des effets réels.
De retour à
Athènes, il continue son enseignement jusqu’à sa mort vers 347 av. J.-C. Parmi
ses élèves, il eut Aristote (384-322 av. J.-C.) qui demeura vingt ans auprès de
lui.
Ses œuvres.
Il
est assez difficile de classer chronologiquement les œuvres de Platon.
Toutefois, on peut proposer un classement grossier en utilisant comme critère
ce qu’on pense être l’enseignement de Socrate à partir de l’Apologie de Socrate de Platon lui-même.
En effet, celui-ci y déclare ne rien savoir si ce n’est qu’il ne croit pas
savoir ce qu’il ne sait pas. Dès lors, les dialogues aporétiques, c’est-à-dire
qui ne donnent pas de solution au problème posé ont des chances d’être les premiers.
À
ce critère, il faut ajouter les indications que nous pouvons avoir et qui sont
sûrs concernant la composition des dialogues lorsqu’il y a des indications aux
événements qui donnent une date en deçà de laquelle le texte n’a pu être écrit.
Enfin,
Platon a introduit progressivement la notion d’Idées ou de Formes qui sont
étrangères à nombre de dialogues. Ce critère permet de regrouper les dialogues
où il élabore sa doctrine.
D’où l’ordre
suivant (les titres sont suivis du thème qui a été ajouté après la mort de
Platon) :
Les dialogues
socratiques : Apologie de Socrate,
Criton sur le devoir, Premier Alcibiade sur la nature de
l’homme, Hippias mineur sur le
mensonge, Hippias majeur sur le beau,
Euthyphron sur la piété, Lachès sur le courage, Charmide sur la sagesse, Lysis sur l’amitié, Ion sur l’Iliade, Protagoras sur
les sophistes, Euthydème sur
l’éristique, Ménexène sur l’oraison
funèbre.
Les dialogues
intermédiaires :
Gorgias sur le rhétorique, Ménon sur la vertu, Le Banquet sur l’amour.
Les dialogues
comprenant explicitement la théorie des Idées ou des Formes qui appartient en
propre à Platon et qui lui sert à résoudre des problèmes :
Cratyle sur la justesse des noms, Phédon sur l’âme, La République sur la justice, Phèdre
sur la beauté.
Les dialogues
de la maturité :
Théétète sur la science, Parménide sur les idées, Le politique sur la royauté, Le sophiste sur l’être, Timée sur la nature, Critias sur l’Atlantide (inachevé), Le Philèbe sur le plaisir.
Le dernier
ouvrage :
Les lois sur la législation.
Dialogues
douteux ou considérés comme inauthentiques :
Second Alcibiade sur la prière, Épinomis.
Hipparque sur l’homme avide de gagner, Du Juste, De la Vertu, Démodocos sur
la délibération, Sisyphe sur la délibération, Eryxias
sur la richesse, Axiochos sur la
mort, Les Rivaux sur l’amour du
savoir, Théagès sur le savoir, Minos sur la loi, Clitophon, Définitions.
Treize Lettres
nous ont été conservées. Peut-être sont-elles toutes inauthentiques. La Lettre
VII donne des indications qui méritent le détour.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire