Enfance et formation.
Malebranche est né le
5 août 1638 à Paris, un mois avant Louis XIV. Il était le dernier fils, le
dixième, voire le treizième enfant, de Nicolas Malebranche, conseiller du Roi
et trésorier général des cinq Grosses Fermes de France, et le deuxième garçon à
porter le prénom de son père. Sa famille, d’origine bourgeoise s’était élevée
par l’achat de charge et était aisée. Sa mère, Catherine de Lauzon, vit un de
ses frères, intendant de Provence et de Guyenne, devenir vice-roi du Canada, puis
conseiller d’État.
C’était un enfant en
mauvaise santé. Sa mère l’éleva et il fut éduqué conjointement par elle et par
un précepteur jusqu’à l’âge de seize ans. Il entre en 1654, au collège de La
Marche où, M. Rouillard, aristotélicien zélé, qui devint ultérieurement recteur
de l’Université de Paris, lui fit faire, sans plaisir, sa philosophie. Il fut
reçu maître ès arts en 1656. Il n’aima pas non plus la théologie qu’il étudia à
la Sorbonne pendant trois ans jusqu’en 1659, ce qui ne l’empêcha pas d’étudier
à fond le grec. Destiné à la prêtrise, ses parents étant morts en 1659, il
choisit d’entrer en 1660 (le 18 janvier) comme novice à l’Oratoire fondé par
Pierre de Bérulle (1575-1629) en 1611. Il s’y imprègne de (saint) Augustin
(354-430) et du christocentrisme du fondateur proche en un sens du jansénisme.
En effet, Saint Cyran (1581-1643), l’introducteur du jansénisme en France,
avait été son secrétaire. A-t-il pu méconnaître les discussions relatives au
cartésianisme et au jansénisme pendant ses années de formation ? Toujours
est-il que le 24 novembre 1661, il signe, vraisemblablement sans trop s’être
informé, un formulaire antijanséniste.
La vocation philosophique.
L’année de son ordination,
en 1664 (14 septembre), il lit le Traité
de l’homme de Descartes (1596-1650), ouvrage posthume qui venait d’être
publié en avril par le cartésien La Forge (1632-1666). Il est immédiatement
converti à la philosophie et à la science de son temps.
Dès lors, il
se lance dans un programme d’études philosophiques et scientifiques que sa vie
à l’Oratoire permettait. Dès 1668, il travaille à son premier ouvrage, De la
recherche de la vérité dont le titre est inspiré par le manuscrit d’un
ouvrage non publié de Descartes Recherche de la vérité par la lumière
naturelle.
Entre temps,
après avoir lu l’Augustinus (posthume, 1640) de Jansénius (Cornélius
Jansen, 1585-1638) et n’y ayant pas trouvé les cinq propositions condamnées par
l’Église en 1653, il se rétracte le 15 juillet 1673.
Le “philosophe chrétien”.
Il publie De la recherche de la vérité. Où l’on traite
de la nature de l’esprit de l’homme et de l’usage qu’il en doit faire pour
éviter l’erreur dans les Sciences en 1674 pour les trois premiers livres
(dont la première version du livre II).
Au début de 1675, le chanoine Simon Foucher (1644-1696), correspondant de
Leibniz (1646-1716) depuis 1672, fit paraître une Critique de la Recherche
de la vérité, où l’on examine en même temps une partie des Principes de M.
Descartes. Lettre, par un Académicien (c’est-à-dire un sceptique). Il
prêtait de façon erronée à Malebranche la thèse cartésienne de la libre
création des vérités éternelles. Malebranche réédite le tome I de La
recherche et le tome deux qui comprend les trois livres suivants et une Préface
contre Foucher. L’ensemble connaît un grand succès. Le cartésien et bénédictin
Dom Robert Desgabets (1610-1678) publie une Critique de la critique de la
recherche de la vérité, où l’on découvre le chemin qui conduit aux
connaissances solides. Pour servir de réponse à la Lettre d’un Académicien
(septembre 1675). La polémique se poursuit avec Foucher en 1676. Malebranche
rejeta le soutien contre Foucher de Desgabets lors de la seconde édition de La
recherche.
Il publie les Conversations chrétiennes, dans lesquelles
on justifie la vérité de la religion et de la morale de Jésus-Christ en
1677. Une seconde édition augmentée des Méditations sur l’humilité et la
pénitence paraît la même année.
De la
recherche de la vérité connaît une troisième édition en 1678 avec un
troisième tome d’Eclaircissements.
En mai 1679,
il rencontre la plus haute figure du jansénisme, Antoine Arnauld (1612-1694) et
lui exprime son désaccord relatif à la doctrine janséniste de la grâce. Il lui
transmet une copie de son Traité de la nature et de la grâce qui réfute
le jansénisme.
Il eut aussi
comme adversaire le jésuite Le Valois (futur confesseur des petits-fils du roi)
en 1680. Sous le nom de Louis de la Ville, ce jésuite anticartésien, dans ses Sentiments
de M. Descartes touchant l’essence et les propriétés des corps, opposés à la
doctrine de l’Église et conformes aux erreurs de Calvin sur le sujet de
l’eucharistie, défendait la thèse de l’incompatibilité du cartésianisme et
du mystère de l’eucharistie. Malebranche n’a jamais reconnu sa Réponse
et son Mémoire pour expliquer la possibilité de la transsubstantiation.
En octobre, il publie le Traité de la nature et de la grâce.
Il rencontre
Bossuet (1627-1704) le conseiller écouté de Louis XIV et représentant du
catholicisme orthodoxe en France qui lui était hostile. Malebranche refusera
une seconde entrevue. Dans l’Oraison funèbre de la reine Marie-Thérèse,
l’aigle de Meaux attaquait en public « ces
philosophes qui, mesurant les conseils de Dieu à leurs pensées, ne le font
auteur que d’un certain ordre général d’où le reste se développe comme il peut. »
(1er septembre 1683) où il n’était pas difficile de reconnaître
Malebranche.
En 1683, il
publie les Méditations chrétiennes. Arnault publie Des vraies et des
fausses idées, contre ce qu’enseigne l’auteur de la Recherche de la vérité
qui lance publiquement un long débat commencé quelques années plus tôt. Le
centre du débat était en effet le problème théologique de la grâce, notamment
l’explication de l’inégalité de sa répartition qui est due selon Malebranche à
la généralité de l’action divine. Toutefois dans son premier ouvrage dirigé
contre l’Oratorien, le théologien et néanmoins philosophe cartésien, l’attaque
sur le plan philosophique où il critique la thèse de Malebranche de la vision
des Idées en Dieu arguant contre lui de leur nature mentale, la notion
d’étendue intelligible qui lui paraît transformer Dieu en un être
corporel ; il lui reproche sa preuve de l’existence de Dieu, à savoir si
je pense Dieu, je sais immédiatement qu’il existe, arguant qu’elle implique que
tout homme voit ce que l’Église réserve aux élus. Enfin, il critique la thèse
malebranchiste du caractère naturel du plaisir qui le rapproche
“dangereusement” de l’épicurisme. Quoique datée de 1684, c’est la même année
que Malebranche publie sa Réponse de l’auteur de la Recherche de la vérité
au livre de M. Arnauld Des vraies et des fausses idées où il défend ses
thèses et leur orthodoxie chrétienne.
En 1684, il
publie son Traité de morale où l’on trouve notamment un exposé critique
de l’imagination (Première partie, chapitre xii).
Arnauld quant à lui publie une Défense de M. Arnauld, docteur de Sorbonne,
contre la Réponse au livre Des vraies et des fausses idées. Une quatrième
édition de La Recherche paraît.
En 1685,
Arnauld publie contre Malebranche le premier des trois livres Réflexions
philosophiques et théologiques sur le nouveau système de la nature et de la
grâce. Une demande de censure est faite à la congrégation du Saint-Office,
c’est-à-dire l’organisme pontifical chargé des questions de doctrine contre le Traité
de la nature et de la grâce de Malebranche.
Le 17 octobre
1685, Louis XIV révoque l’édit de Nantes et met donc hors la loi les
protestants. Malebranche part en mission auprès des « nouveaux
convertis » à Rouen puis à Dieppe. La polémique continue avec Arnauld qui
publie des Lettres de M. Arnauld, docteur de Sorbonne, au R. P. Malebranche,
prêtre de l’Oratoire.
Fontenelle
(1657-1757) qui lui reprochait une imagination débordante exposa ses Doutes
sur le système physique des causes occasionnelles en 1686. Il attaque une
des thèses de Malebranche selon laquelle seul Dieu est cause véritable, les
autres causes ne sont que des occasions qui précèdent de façon contingente
leurs effets. Ainsi l’âme ne peut être cause de mouvement du corps et
inversement. Malebranche quant à lui répond à Arnauld dans ses Lettres du P.
Malebranche à un de ses amis, dans lesquelles il répond aux Réflexions
philosophiques et théologiques de M. Arnauld sur le Traité de la nature et de
la grâce. Celui-ci réplique avec les livres II et III de ses Réflexions
philosophiques et théologiques sur le nouveau système de la nature et de la
grâce. Quant à Foucher, il revient à la charge en publiant une Dissertation…
contre Malebranche. Fontenelle revient aussi à la charge à cause d’un ouvrage
attribué à Malebranche l’attaquant.
Leibniz,
philosophe protestant, mathématicien, physicien, adversaire de Newton (1642-1727)
et de Descartes, avait rencontré Malebranche en 1673 lors de son séjour à Paris
commencé en 1672 et qui s’achève en 1676 après un passage par Londres. Il
publie en 1687 sa Brevis demonstratio (Le titre français est Démonstration courte d’une erreur
considérable de M. Descartes et de quelques autres touchant une loi de la
nature suivant laquelle ils soutiennent que Dieu conserve toujours dans la
matière la même quantité de mouvement, de quoi ils abusent même dans les
mécaniques) traduite en français pour les Nouvelles de la République des
lettres où il critique à juste titre l’exposé qu’avait donné Malebranche
des lois cartésiennes du choc. Malebranche fait paraître un texte où il
reconnaît partiellement son erreur. La polémique avec Arnauld continue.
Dans sa lettre
du 21 mai 1687 au marquis d’Allemans, Bossuet dénonce de façon générale un
usage hérétique du cartésianisme et Malebranche est peut-être visé. Il demanda
à Fénelon (1651-1715) en 1687-1688 de réfuter Malebranche. Ce dernier écrit une
Réfutation du système de père Malebranche sur la nature et la grâce (qui
sera seulement publié en 1820). Un double échange de lettres, entre Bossuet et
François Lamy et entre ce dernier et Malebranche porte sur la conception de la
damnation des Conversations chrétiennes.
En 1688,
Malebranche publie ses Entretiens sur la métaphysique et sur la religion.
Malebranche voyage en France et s’arrête notamment en Périgord chez Armand du
Lau, marquis d’Allemans (1651-1726). La cinquième édition de La Recherche
paraît.
En 1689, Malebranche
échange avec divers correspondants des lettres relatives à l’action physique ou
diabolique de la baguette des sorciers. Le roi Jacques II d’Angleterre (1633-1685-1688-1701)
rend visite à Malebranche. Il s’était réfugié depuis peu en France après avoir
été chassé par la “glorieuse révolution” qui remplaça ce roi catholique à
prétention absolutiste par un roi protestant, Guillaume d’Orange (1650-1702),
devenu Guillaume III, acceptant une certaine constitutionnalité du pouvoir du
roi.
Le Traité
de la nature et de la grâce est mis à l’Index le 29 mai 1690, c’est-à-dire
qu’il rejoint tous les livres considérés par l’Église catholique comme
dangereux pour la foi. On peut y voir un effet des attaques de Bossuet et même
du janséniste Arnauld.
Malebranche
publie en 1692 Des lois de la communication des mouvements, par l’auteur de
la Recherche de la vérité où il tient compte des objections de Leibniz. Ce
dernier lui envoie des remarques montrant qu’il n’était pas satisfait.
Malebranche lui répond et le met en
contact avec le marquis de Guillaume de l’Hospital (1661-1704) qui l’initiait
au calcul infinitésimal.
La polémique
avec le cartésien Régis (1632-1707) en 1693 fut rien moins qu’amène. Elle eut
pour source la publication du Système de philosophie contenant la logique,
la métaphysique, la physique et la morale en 1692. Malebranche fit une Réponse
en 1693 et Régis proposa en 1694 des Répliques à la réponse de Malebranche.
Elle porta sur le problème du grossissement des astres à l’horizon : Régis
refusait la solution de Malebranche pour qui il est dû à un jugement naturel.
Régis soutenait également contre Malebranche que les idées sont des
représentations. Enfin, il lui reprochait de faire du plaisir des sens le
bonheur. Concernant ces deux derniers points, rien de bien nouveau. Malebranche
échange quelques lettres irritées avec son contradicteur. Il est aidé pour cela
par un groupe de mathématiciens avec lesquels il s’était lié pour étudier le
calcul infinitésimal, à savoir outre L’Hospital, l’Abbé de Catelan
( ?- ?, sur ce personnage quelque peu mystérieux, cf. André Robine,
« L’abbé de Catelan, ou l’erreur au service de la vérité, » in Revue
d’histoire des sciences et de leurs applications, 1958, Tome 11 n°4.
p. 289-301 et du même, « L’abbé de Catelan » même revue, 1960,
Tome 13 n°2. p. 135-137), un mathématicien cartésien, Joseph Sauveur
(1653-1616) et Pierre Varignon (1654-1722), En 1694, à la veille de sa mort des
lettres d’Arnauld relatives à Malebranche et les réponses de ce dernier
entretiennent la polémique.
En 1695,
Malebranche est malade.
L’année
suivante paraissent à l’occasion de la troisième édition des Entretiens sur
la métaphysique et sur la religion, les Entretiens sur la mort.
L’Hospital publie l’Analyse des infiniment petits pour l’intelligence des
lignes courbes, ouvrage auquel Malebranche a travaillé.
En 1697,
Malebranche publie le Traité de l’amour de Dieu. On se situe dans la
polémique autour du quiétisme qui professe un pur amour de Dieu, absolument
désintéressé, qui implique l’acceptation du sacrifice de la créature jusqu’à la
damnation. Les rôles sont redistribués. Le quiétiste Fénelon devint
l’adversaire de Bossuet et Malebranche son allié. En effet, le bénédictin Dom
François Lamy (1636-1711) (à ne pas confondre avec l’Oratorien Bernard Lamy),
auteur en 1696 de l’ouvrage, Le nouvel athéisme renversé, dirigé contre
Spinoza (1632-1677) à l’instigation de Bossuet, écrit De la connaissance de
soi-même (5 volumes, 1694-1698). En s’appuyant sur des citations de
Malebranche, il le compte parmi les partisans du pur amour. Lorsqu’il réédita
son Traité en 1698 (mais le texte est daté de 1699), Malebranche y
joignit trois Lettres au P. Lamy et une Réponse générale pour réfuter
son adversaire.
Un Recueil
de plusieurs lettres de M. Arnauld dont certaines inédites entretiennent
malgré la mort de ce dernier une polémique qui date.
Dans une lettre à
Bayle (1646-1706) daté du 27 décembre 1698, Leibniz reconnaît à Malebranche une
« louable sincérité »
lorsqu’il lui affirmait chercher « sincèrement
la vérité » dans une lettre de 1698. Son travail scientifique lui
permet alors d’être élu à l’Académie des sciences le 28 janvier 1699 comme
« membre horaire » (c’est-à-dire sans être rétribué). Il propose une
communication à l’Académie des sciences : Réflexions sur la lumière et
les couleurs et la génération du feu. Entre temps, il a de nouveau révisé
ses Lois de la communication des mouvements.
La polémique avec
Lamy se poursuit car il écrit de nouveau contre Malebranche. Ce dernier lui
répond en 1700 en publiant une Lettre du P. Malebranche contenant une
Réponse générale aux Lettres que le P. Lamy lui a adressées. La
Recherche connaît sa sixième édition avec la Réponse à M. Régis, les
Lois de la communication des mouvements et un nouvel Éclaircissement XVI
Sur la lumière et les couleurs, sur la génération du feu et sur plusieurs
autres effets de la matière subtile qui remplace celui de 1678 sur l’Ordre.
La longue polémique
qui ne s’acheva pas vraiment avec la mort d’Arnaud en 1694 donna lieu à une
dernière intervention de Malebranche en 1704. Il publia un Recueil de toutes
les Réponses du Père Malebranche, prêtre de l’Oratoire, à M. Arnauld, docteur
de Sorbonne qui comprenait des inédits : la Réponse (datée du
19 mars 1699) du P. Malebranche à la Troisième lettre de M. Arnauld, docteur
de Sorbonne, touchant les idées et les plaisirs (lettre parue dans le
recueil de 1698) ; Contre la prévention, écrit qui comprend un
abrégé du Traité de la nature et de la grâce.
À partir de décembre
1706, Malebranche commence un échange de lettres avec le Père Yves-Marie André
(1675-1764), un jésuite (il écrira une Vie de Malebranche publiée en
1886 et publiera un Essai sur le beau en 1741).
À l’été 1707, Malebranche
refait à la campagne les expériences rapportées dans l’Optique de Newton
(1642-1727) dont la version anglaise de 1704 avait été, en 1706, traduite en …
latin. La même année, Malebranche rencontre Mgr de Lionne (1655-1713), vicaire
apostolique en Chine. Il commence à travailler sur la “philosophie chinoise”.
Il participe avec Pierre Varignon à la mise au net de l’ouvrage du défunt
Guillaume de l’Hospital, Traité analytique des sections coniques et leur
usage pour la résolution des équations.
En 1708, il publie
son Entretien d’un philosophe chrétien et d’un philosophe chinois sur la
nature et l’existence de Dieu. Il est attaqué par les jésuites dans leur
journal, les Mémoires pour l’illustration des sciences et des beaux-arts (dits
Mémoires de Trévoux). Malebranche réplique dans la réédition de l’Entretien
d’un philosophe chrétien et d’un philosophe chinois à la fin de l’année.
De la
Recherche de la vérité est mise à l’Index en 1709.
En 1711, il a
un échange avec Leibniz sur la Théodicée publié par ce dernier l’année
précédente. À la différence de ce dernier, Malebranche ne considérait nullement
le mal comme un moindre bien dans le meilleur des mondes possibles, mais en
admettait la réalité qu’il justifiait par la généralité de l’action divine.
Voltaire (1694-1778) s’en souviendra.
En 1712,
paraît la sixième réédition de La Recherche. Il modifie une dernière
fois ses Lois sur la communication des mouvements. Toutefois,
Malebranche, fidèle sur ce point au cartésianisme orthodoxe, refusa toujours la
notion leibnizienne de force vive.
En 1713,
Fénelon publie une Démonstration de l’existence de Dieu tirée de la
connaissance de la nature et proportionnée à la faible intelligence des plus
simples, rééditée la même année avec une préface du Père de
Tournemine qui suspecte Malebranche de tendre au spinozisme, c’est-à-dire à
l’athéisme. Malebranche écrit à Fénelon qui désavoue la préface, imprimée à son
insu. Le Père de Tournemine finit par laver Malebranche du soupçon d’athéisme
dans les Mémoires de Trévoux. Laurent-François Boursier (1679-1749),
docteur en Sorbonne, l’attaque dans De l’action de Dieu sur les créatures,
traité dans lequel on prouve la prémotion physique par le raisonnement.
En 1713-1714,
il eut une correspondance avec Jean-Jacques Dortous de Mairan (1678-1771) qui
rapprochait Malebranche de Spinoza. Il s’en défendit puisque cela valait
accusation d’athéisme. Le 15 janvier 1714, la commission de l’Index condamne
les Entretiens sur la métaphysique et sur la religion et le Traité de
morale.
En 1715, il publie
contre Boursier, les Réflexions sur la prémotion physique. Il tombe
malade en juin 1715. Il s’éteint à Paris cette année-là, le 13 octobre, la même
année que Louis XIV.
Le 22 avril 1716,
Fontenelle prononce son Éloge du P. Malebranche à l’Académie des
sciences.
« Depuis
que la lecture de Descartes l’avait mis sur les bonnes voies, il n’avait étudié
que pour s’éclairer l’esprit, et non pour se charger la mémoire : car
l’esprit a besoin de lumières, et n’en a jamais trop : mais la mémoire est
le plus souvent accablée de fardeaux inutiles ; aussi ne cherche-t-elle
qu’à les secouer. Il avait donc assez peu lu, et cependant beaucoup appris. Il
retranchait de ses lectures celles qui ne sont que pure érudition ; un
insecte le touchait plus que toute l’Histoire Grecque ou Romaine : et en
effet un grand génie voit d’un coup d’œil beaucoup d’Histoires dans une seule
réflexion d’une certaine espèce. Il méprisait aussi cette espèce de
philosophie, qui ne consiste qu’à apprendre les sentiments de différents Philosophes.
On peut savoir l’histoire des pensées des hommes sans penser. Après cela, on ne
sera pas surpris qu’il n’eût jamais pu lire dix vers de suite sans dégoût. Il
méditait assidûment, et même avec certaines précautions, comme de fermer ses
fenêtres. Il avait si bien acquis la pénible habitude de l’attention, que quand
on lui proposait quelque chose de difficile, on voyait dans l’instant son
esprit se pointer sur l’objet, et le pénétrer. » Fontenelle, Eloge du
Père Malebranche.
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