vendredi 19 juin 2015

Leçon : Pourquoi la loi ?

On se plaint de la loi. Elle nous empêcherait d’être libres. Pourtant, on a peur de l’anarchie au sens du désordre. On ne peut se passer de la loi. La loi est-elle un instrument de domination ou de liberté ou même de justice ?

I. La règle sociale.
La loi rend possible la vie sociale puisqu’en interdisant ou en prescrivant certaines actions, elle permet aux membres de la société auxquels elle s’applique d’agir ensemble ou les uns pour les autres. Elle est une sorte de règle du jeu qui, pour arbitraire qu’elle soit, permet à chacun d’agir dans certaines limites.
Elle a surtout pour fonction de permettre la vie humaine, dans la mesure où elle empêche les hommes de se nuire mutuellement. Elle favorise dans ses limites leur liberté au sens de faire ce qui leur plaît. Sans loi, les hommes vivraient dans la crainte. Ils ne pourraient rien entreprendre : travail, technique, échanges avec les autres, science, loisir, etc.
Pourtant, la loi peut servir certains et en desservir d’autres. Elle est alors plutôt un instrument de domination. Ne peut-on pas lui trouver une fonction plus positive ?

II. La maîtrise des désirs.
La loi, pour être efficace, doit être accompagnée de la menace d’une sanction, c’est-à-dire de la possibilité d’une contrainte. On peut nommer juridique une telle loi par différence avec la loi morale qui n’oblige que le seul individu. C’est une obligation juridique de subvenir aux besoins de ses parents même si on ne le veut pas. C’est une simple obligation morale de faire un don à un mendiant.
Si la loi paraît nous limiter, c’est parce qu’elle s’oppose à nos désirs. Or, ceux-ci ne proviennent pas de nos choix. La loi nous libère donc de la tyrannie de nos désirs. En ce sens, elle est un facteur de liberté au sens où elle nous éduque à choisir. Même le tyran paraît favoriser la liberté au sens de la maîtrise de soi, voire manifester la capacité de choix.
Cependant, différer la réalisation de ses désirs n’est qu’un aspect de la liberté. En rester là, c’est demeurer soumis aux autres comme l’est un esclave. La loi n’aurait-elle pas pour rôle essentiel de permettre la justice ?

III. Justice et liberté.
Il faut distinguer la loi du simple commandement. Celui-ci va de l’un à l’autre alors que la loi au sens strict est valable pour tous. Si le tyran n’obéit pas aux lois, c’est qu’il n’en est pas le sujet. Et là où il y a tyrannie, c’est-à-dire où un seul ou quelques uns imposent leur volonté aux autres, il n’y a pas de loi.
Lorsque donc la règle est la même pour tous, c’est-à-dire qu’il y a loi, au moins pour tous ceux à qui elle s’applique comme par exemple une loi sur le commerce du pain ne s’applique qu’aux boulangers, elle constitue la justice. En effet, dans cette mesure, elle contraint également tous et permet à tous soit de ne pas se nuire, soit d’agir ensemble pour le bien de tous. De ce point de vue, la justice permet la liberté au moins en ce sens négatif où personne n’est sous la domination des autres. En outre, en obéissant à la loi, chacun se rend maître de ses désirs.
La loi permet donc au minimum la vie sociale. Or, dans la tyrannie, la vie sociale peut être pire que la vie la plus sauvage et la plus solitaire. Par la discipline qu’elle instaure, la loi permet l’éducation au choix, mais il faut alors que la règle soit la même pour tous – ce qu’est la loi véritable – pour réaliser la justice et être une véritable condition de la liberté.


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