On se plaint de
la loi. Elle nous empêcherait d’être libres. Pourtant, on a peur de l’anarchie au
sens du désordre. On ne peut se passer de la loi. La loi est-elle un instrument
de domination ou de liberté ou même de justice ?
I. La règle sociale.
La loi rend
possible la vie sociale puisqu’en interdisant ou en prescrivant certaines
actions, elle permet aux membres de la société auxquels elle s’applique d’agir
ensemble ou les uns pour les autres. Elle est une sorte de règle du jeu qui,
pour arbitraire qu’elle soit, permet à chacun d’agir dans certaines limites.
Elle a surtout
pour fonction de permettre la vie humaine, dans la mesure où elle empêche les
hommes de se nuire mutuellement. Elle favorise dans ses limites leur liberté au
sens de faire ce qui leur plaît. Sans loi, les hommes vivraient dans la crainte.
Ils ne pourraient rien entreprendre : travail, technique, échanges avec
les autres, science, loisir, etc.
Pourtant, la loi
peut servir certains et en desservir d’autres. Elle est alors plutôt un
instrument de domination. Ne peut-on pas lui trouver une fonction plus
positive ?
II. La maîtrise des désirs.
La loi, pour
être efficace, doit être accompagnée de la menace d’une sanction, c’est-à-dire
de la possibilité d’une contrainte. On peut nommer juridique une telle loi par
différence avec la loi morale qui n’oblige que le seul individu. C’est une
obligation juridique de subvenir aux besoins de ses parents même si on ne le
veut pas. C’est une simple obligation morale de faire un don à un mendiant.
Si la loi paraît
nous limiter, c’est parce qu’elle s’oppose à nos désirs. Or, ceux-ci ne
proviennent pas de nos choix. La loi nous libère donc de la tyrannie de nos
désirs. En ce sens, elle est un facteur de liberté au sens où elle nous éduque
à choisir. Même le tyran paraît favoriser la liberté au sens de la maîtrise de
soi, voire manifester la capacité de choix.
Cependant, différer
la réalisation de ses désirs n’est qu’un aspect de la liberté. En rester là,
c’est demeurer soumis aux autres comme l’est un esclave. La loi n’aurait-elle
pas pour rôle essentiel de permettre la justice ?
III. Justice et liberté.
Il faut
distinguer la loi du simple commandement. Celui-ci va de l’un à l’autre alors
que la loi au sens strict est valable pour tous. Si le tyran n’obéit pas aux
lois, c’est qu’il n’en est pas le sujet. Et là où il y a tyrannie, c’est-à-dire
où un seul ou quelques uns imposent leur volonté aux autres, il n’y a pas de
loi.
Lorsque donc la règle
est la même pour tous, c’est-à-dire qu’il y a loi, au moins pour tous ceux à
qui elle s’applique comme par exemple une loi sur le commerce du pain ne
s’applique qu’aux boulangers, elle constitue la justice. En effet, dans cette
mesure, elle contraint également tous et permet à tous soit de ne pas se nuire,
soit d’agir ensemble pour le bien de tous. De ce point de vue, la justice
permet la liberté au moins en ce sens négatif où personne n’est sous la
domination des autres. En outre, en obéissant à la loi, chacun se rend maître
de ses désirs.
La loi permet donc
au minimum la vie sociale. Or, dans la tyrannie, la vie sociale peut être pire
que la vie la plus sauvage et la plus solitaire. Par la discipline qu’elle
instaure, la loi permet l’éducation au choix, mais il faut alors que la règle
soit la même pour tous – ce qu’est la loi véritable – pour réaliser la justice
et être une véritable condition de la liberté.
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