Arthur
Schopenhauer est né à Dantzig le 22 février 1788. Son père, Heinrich Floris Schopenhauer
(1747-1805) était un riche négociant de 40 ans, néerlandais par sa mère. Il
aimait les voyages qui l’ont notamment conduit en Angleterre et en France. Il
séjourna longuement à Bordeaux. Il pensait qu’ils sont une part d’une bonne
éducation. La mère, Johanna Henriette Trosiener (1767-1838), qui a vingt ans de
moins que son mari, est la fille d’un magistrat de Dantzig. Elle est passionnée
de littérature. Ils se sont mariés le 16 mai 1785. La mère d’Arthur se rend
souvent à Olivia, une localité sur la mer Baltique où son mari possède une
maison de campagne.
En 1793, la Prusse annexe Dantzig suite
au second partage de la
Pologne avec la
Russie , le 23 janvier. La famille Schopenhauer quitte Dantzig
pour Hambourg car Heinrich Schopenhauer ne veut pas perdre sa liberté.
Le 12 juillet
1797, naît la sœur d’Arthur, Adèle (1797-1847). La même année, le jeune Arthur
part avec son père pour la France. Ils
passent par Paris. Puis son père le laisse pendant deux ans au Havre dans la
famille de son correspondant de commerce, Grégoire de Belsimaire. Arthur
sympathise avec le fils, Anthime, avec qui il restera en correspondance. Il
apprend le français qui sera comme sa seconde langue. À son retour en terre
allemande, il a presque perdu l’allemand.
En 1799, il
entre dans une école privée, un institut de commerce de Hambourg, qu’il
fréquentera pendant quatre ans.
En 1800,
Arthur fait un grand voyage avec son père. Ils se rendent tour à tour en
Bohème, à Karlsbad, à Prague, Hanovre, Dresde, Leipzig, Berlin. Arthur tient un
journal de voyage où il se montre attiré par la vie intellectuelle ; il
veut abandonner les études commerciales.
En 1803, son
père lui propose de faire un grand voyage puis de quitter le collège au retour
pour apprendre les affaires ou de continuer d’étudier. Schopenhauer choisit la
première option. « Il n’hésita pas à
employer la ruse, écrira-t-il de son père, il savait que je désirais voir le monde. » Toute la famille fait
un grand tour d’Europe à partir du 8 mai jusqu’en 1804. Le 10 mai, ils arrivent
à Amsterdam. Le 25 mai, ils arrivent à Londres. Arthur assiste à une exécution
capitale. Son journal évoque la souffrance humaine. Il reste trois mois seul à
Londres, pendant que ses parents visitent l’Écosse. Il y apprend les bases de
l’anglais. Ils passent par la Belgique et arrivent en France. Arrivés à Paris
le 26 décembre, les Schopenhauer visitent la ville pendant deux mois guidé par
Louis-Sébastien Mercier (1740-1814), l’auteur du Tableau de Paris (1ère édition, 1781). Ils rencontrent
le premier consul, Napoléon Bonaparte (1769-1821). Ils applaudissent Talma
(1763-1826) à la Comédie Française et le danseur Auguste Vestris (1760-1842) à
l’Opéra. Ils visitent le Louvre et le château de Versailles.
Ils visitent
également Tours puis ils arrivent à Bordeaux le 5 février 1804. Ils se
retrouvent dans la maison où le poète Hölderlin (1770-1843) séjourna un an plus
tôt. Schopenhauer parle de l’ennui dans son Journal.
Arthur fréquente les bals et les mascarades. Ils passent par Toulouse, Carcassonne,
Montpellier, Béziers, Sète, Agen, Montauban, Saint-Ferréol, Nîmes, Hyères,
Marseille, Aix, Avignon, Lyon. Arrivés à Toulon en avril, le bagne qui
accueille 6000 pensionnaires l’impressionne. Il note dans son journal que le
bagne est pire que la mort. À Chamonix, il est impressionné par le mont Blanc.
Il atteint le Chapeau, puis le Pilate et enfin le Schneehoppe des Monts des
Géants lors d’excursions. Arrivé en Suisse le 12 mai, il visite l’institut du
célèbre pédagogue Johann Heinrich Pestalozzi (1746-1827) qui enseignait les
mathématiques de façon intuitive (cf. Sandro Barbera, Une philosophie du conflit. Études sur Schopenhauer, P.U.F.,
février 2004, p.16). Il parcourt l’Allemagne du sud, l’Autriche, la Silésie , la Saxe et le Brandebourg. Il
lira grâce à ses connaissances en langues les textes de la littérature
européenne dans leur version originale. D’un point de vue philosophique, il
soulignera plus tard que ces voyages eurent sur lui le même effet que sur le
fondateur du bouddhisme, le prince Siddhârta Gautama (vi° siècle av. J.-C.), lorsqu’il sortait de son palais et
était confronté à la misère :
« Dans ma dix-septième année, sans
aucune formation académique, je fus bouleversé par la misère de la vie comme
Bouddha dans sa jeunesse lorsqu’il vit la maladie, la vieillesse et la mort.
Bientôt la vérité du monde, s’exprima d’une voix forte et claire évinça les
dogmes juifs [Schopenhauer entend pas là l’idée d’un Dieu bon comme créateur du
monde (Patrice Bégnana)] qu’on m’avait inculqués, et j’en vins au résultat que
ce monde ne pouvait être l’œuvre d’une bonté absolue, mais bien celle d’un
diable qui avait appelé à l’existence les créatures pour se délecter du
spectacle de leurs tourments. » (cité par Christian Sommer dans son
introduction à Schopenhauer, Petits écrits français, Rivages, 2010)
Au retour, son père rentre à
Hambourg pendant qu’il se rend avec sa mère à Danzig.
En janvier
1805, il entre dans une école de commerce pour réaliser la promesse faite à son
père.
En 1806, son
père fait une chute qui ressemble à un suicide. Il est retrouvé flottant sur un
canal. Sa mère quitte Hambourg avec sa sœur pour aller s’installer à Weimar. Il
reste seul à Hambourg pour continuer ses études de commerce. Sa mère constitue
autour d’elle un cercle. On y trouve notamment Karl Ludwig Fernow (1763-1808),
un critique d’art et italianisant. C’est sous sa férule qu’elle se met à écrire
et devient une romancière à succès. Elle accueille Goethe (1749-1832), banni de
la bonne société de Weimar à cause de sa relation avec Christiane Vulpius (1765-1816)
qu’il finit pourtant par épouser. Goethe assure bientôt en retour une certaine
notoriété aux romans de Johanna Schopenhauer. Arthur se morfond à Hambourg et
bientôt, sur les conseils de Fernow, il abandonne ses études commerciales pour
entreprendre des études classiques. Il déclarera : « La vie est un dur labeur, j’ai résolu de
consacrer la mienne à y réfléchir. ». La fortune héritée du père est
placée dans une maison de commerce à Dantzig, Muhl & Cie.
En 1807, il
entre au lycée de Gotha. Il apprend le latin. Mais il est renvoyé du lycée pour
s’être moqué d’un de ses professeurs dans un poème satirique. De 1807 à 1809,
il est au lycée de Weimar, celui de Goethe, où il réside désormais. Le théoricien
de l’art et germaniste Karl Ludwig Fernow (1763-1808) qu’il rencontre dans le
salon littéraire de sa mère l’initie à la littérature italienne. C’est dans ce
même salon que Goethe s’intéresse au jeune Arthur en qui il croit voir un
génie. Le jeune homme de son côté, se dispute souvent avec sa mère. Il ne
supporte pas ses invités qu’il abreuve de propos amers sur la bêtise humaine.
Le 9 février
1809, il rencontre l’actrice Caroline Jagemann (1777-1848) au cours d’un bal
masqué : il en devient amoureux. Le 9 octobre 1809 il s’inscrit à
l’université de Göttingen pour étudier la médecine. Il suit les cours d’anatomie
avec Adolph Friedrich Hempel (1767-1834) et de physiologie avec Johann
Friedrich Blumenbach (1752-1840). Il suit également un cours d’anatomie du
cerveau avec Friedrich Christian Rosenthal (1780-1829) (cf. Lettre de
Schopenhauer datée du 12 septembre 1852). Il fréquente les hôpitaux
psychiatriques.
En 1810,
Johanna, sa mère, publie La vie de Karl
Ludwig Fernow. Au printemps, il s’inscrit à la faculté de philosophie. Il
découvre les œuvres de Platon (428-347 av. J.-C.), d’Aristote (384-322 av.
J.-C.) et de Kant (1724-1804). Il étudie aussi la physique, la chimie, les
sciences naturelles, l’astronomie et l’histoire. Il est présenté au poète Christoph
Martin Wieland (1733-1813) qui dira à sa mère :
« Je viens de
faire une connaissance bien intéressante. Savez-vous laquelle ? Celle de
votre fils, il m’a beaucoup plus ; il fera quelque chose de grand. »
cité par André Cresson, Schopenhauer,
P.U.F., « Philosophes », 1962, p.7.
Durant l’hiver
1809-1810, il suit les cours de Bernhard Friedrich Thibaut (1775-1832), auteur
du Grundriss der reinen Mathematik (1801)
qui défend une conception intuitiviste des mathématiques pour laquelle c’est la
connaissance directe qui importe, la démonstration quant à elle est sans
importance (Sandro Barbera, op. cit.,
p.16).
En 1811, il
s’installe à Berlin. Il suit les cours de chimie de Martin Heinrich Klaproth
(1783-1835), de Paul Erman (1764-1851) en électricité, de Martin Liechtenstein (1743-1817)
en zoologie, de Fischer en physique. Il suit en 1812 les cours de Friedrich Schleiermacher
(1768-1834) sur l’« Histoire de la philosophie
à l’âge chrétien ». Dans ses annotations, Schopenhauer refuse l’idée que
la philosophie s’accorde avec la religion. Bien au contraire, le philosophe n’a
pas besoin de cette laisse qui tient l’humanité comme un chien (cf. Sandro
Barbera, op. cit. p.30). Il suit
également les cours de Johann Gottlieb Fichte (1762-1814) alors célèbre. Quant
à lui, après une certaine incompréhension, il en vient à l’exécrer, le
considérant comme un charlatan.
En mai 1813,
il rentre à Weimar où il se dispute avec sa mère à laquelle il reproche sa vie
mondaine et son hôte, Frederich Müller von Gerstenbergk (1780-1838) qu’il
soupçonne d’être son amant. Les troupes françaises de Napoléon 1er
(1769-1821) menacent Berlin. Schopenhauer se rend dans la petite ville de
Rudolstadt proche de Weimar. Installé dans une auberge, il rédige durant l’été sa
thèse : De la quadruple racine du principe de raison
suffisante. En octobre, il la soutient et est reçu docteur en philosophie
à l’université d’Iéna. Il peut dorénavant enseigner à l’université. Pendant ce
temps, la jeunesse estudiantine allemande combat contre la France de Napoléon 1er.
Schopenhauer qui se sent citoyen du monde préfère selon son curriculum vitae combattre avec son
cerveau pour l’humanité. De retour à Weimar le 5 novembre, seul Goethe
s’intéresse sérieusement à sa thèse. Sa mère fait mine de croire qu’il s’agit
d’une thèse de médecine dentiste à cause du terme racine. Le fils lui exprime
ses doutes quant à la postérité de l’œuvre de sa mère. Toutefois il fréquente
dans le salon de sa mère l’orientaliste Friedrich Mayer (1772-1818) qui lui
révèle l’Inde antique, notamment les Upanishad
et des textes bouddhistes. Il se brouille bientôt avec Johanna Schopenhauer et
ne la reverra plus.
À partir de
1814, il passe quatre ans à Dresde. Au printemps, il lit les Védas dans une traduction latine
d’Abraham Anquetil-Duperron (1731-1805). Il commence la rédaction de son grand
ouvrage : Le Monde comme Volonté et
comme représentation. Dans une lettre postérieure, il présentera ainsi sa
genèse :
« C’est pendant ce séjour de quatre
ans à Dresde que mon système philosophique se constitua dans ma tête, pour ainsi
dire sans mon intervention, tel un cristal dont les rayons convergent vers le
centre, et c’est dans cette forme que je l’ai fixé, sans tarder, dans le
premier tome de mon ouvrage principal. » Lettre à Erdmann d’avril 1851 citée par Sandro Barbera, Une philosophie du conflit. Études sur Schopenhauer, P.U.F.,
février 2004, p.2.
En 1816, il publie
Sur la vue et les couleurs (1816). Il adopte partiellement la théorie
des couleurs de Goethe. Mais cet ouvrage se démarque de Goethe en défendant une
théorie subjectiviste ou représentationnelle de la couleur. Il continue à
rédiger son ouvrage majeur : Le Monde comme Volonté et comme
Représentation.
En 1817, il
poursuit la rédaction du Monde comme Volonté et comme Représentation.
En mars 1818,
il remet le texte à l’éditeur Heinrich Brockhaus (1804-1874). Il a une liaison
avec une femme de chambre qui se retrouve enceinte. À l’automne, il part en
voyage en Italie, Bologne, Florence, Rome, Naples. Il a une lettre de
recommandation de Goethe pour le poète anglais Lord Byron (1788-1824). À Venise,
il aurait eu une aventure amoureuse avec une inconnue à laquelle aurait été
mêlé Lord Byron, d’après son premier biographe, le docteur Wilhelm Von Gwinner
(1825-1917). Il ne rencontre pas le poète italien Giacomo Leopardi (1798-1837) qui
s’y trouve en même temps que lui. Puis, il se rend à Milan. En Italie, il
fréquente les musées. Son journal se remplit de notes sur l’architecture, la
sculpture, la peinture qui trouveront place dans les suppléments au livre III
du Monde comme Volonté et comme Représentation.
La femme de chambre de Dresde accouche d’une petite fille qui meurt quelques
mois plus tard. Sa mère et sa sœur lui apprennent par écrit que Muhl & Cie a fait faillite et propose un
compromis. Malgré l’empressement des deux femmes, Schopenhauer refuse. La
brouille avec sa mère est définitive : même les contacts épistolaires
s’arrêtent. Cette gêne financière l’oblige à gagner de l’argent.
À son retour
d’Italie, il publie son ouvrage majeur, Le
monde comme volonté et comme représentation, en 1818. Cette première
édition n’a aucun succès. Après un an et demi, cent exemplaires ont été vendus.
En 1819, le
roman écrit par sa mère, Gabrielle,
paraît. C’est un grand succès. À la fin de l’année, Schopenhauer demande à enseigner
à l’université de Berlin pour pallier ses difficultés financières.
En 1820, il
obtient à l’université de Berlin un poste de privat-docent (c’est-à-dire un
poste d’enseignant rémunéré par les seuls étudiants). Son cours porte sur
« la philosophie entière, ou l’enseignement du monde et de l’esprit
humain » (cité par Clément Rosset, Écrits
sur Schopenhauer, P.U.F., 2001,
p.21). Il se retrouve en concurrence avec Hegel (1770-1831) qu’il méprise plus
encore que Fichte. Pour lui, la philosophie de Hegel est celle d’un aliéné. Il
fait cours en même temps que son concurrent qu’il considère comme un « lourd charlatan ». Des centaines
d’étudiants se pressent pour entendre Hegel. L’auditoire de Schopenhauer est
composé de … quatre étudiants : un conseiller aulique, un dentiste, un
écuyer et un commandant en retraite. Au bout d’un semestre, il abandonne. Irascible,
il pousse dans l’escalier une commère de ses voisines nommée Caroline-Louise
Marquet ( ?-1840). Aidée d’un médecin, elle fait condamner Schopenhauer à
300 thalers d’amende. Il doit en outre lui verser une rente annuelle à vie de
60 thalers.
En 1821, Muhl
& Cie restitue à Schopenhauer son argent alors que sa mère et sa
sœur qui avaient signés un compromis sont ruinées. Schopenhauer conservera
toute sa vie une indépendance financière. Il a une liaison avec une choriste et
actrice, Caroline Richter née Medon (1802-1882). Schopenhauer est peut-être le
père d’un de ses enfants mort-né.
Après sa
rupture et son échec comme professeur, il repart en voyage. Il arrive en Italie
le 27 mai 1822.
Jusqu’en mai
1823, il séjourne à Florence. Sa mère fait paraître un roman : La Tante. Puis, il séjourne à Munich. Malade,
il devient sourd d’une oreille. Il remonte au nord par Stuttgart, Heidelberg,
Mannheim. Il séjourne à Dresde.
À la fin de
1824, il propose à son éditeur de traduire deux ouvrages de David Hume (1711-1776)
sur la religion, l’Histoire naturelle de
la religion et les Dialogues sur la
religion naturelle et de les réunir sous le titre : La philosophie de la religion de David Hume.
Son intérêt pour Hume provient de la thèse de ce dernier selon laquelle la
religion a une origine pratique et non théorique : elle est fille de la
peur et de l’espoir (cf. Sandro Barbera, op.
cit., pp.32-33).
En 1825, il
fait une nouvelle tentative d’enseignement à l’université. C’est un nouvel
échec. Le poète allemand Jean Paul (1763-1825), dans les Kleine Bücherschau, fait une critique élogieuse du Monde comme volonté et comme représentation.
En 1827, il
cherche sans succès un poste dans une université d’Allemagne du sud.
En 1828, son
éditeur, Brockhaus, lui fait savoir que les ventes du Monde comme Volonté et comme Représentation sont quasiment nulles.
En 1830, il
donne une traduction latine de son ouvrage Sur
la vue et les couleurs. Il traduit de l’espagnol Oraculo manual y arte de Prudencia (1647, Art de la prudence) de Balthazar Gracián (1601-1658).
En 1831, il
fuit Berlin en raison d’une épidémie de choléra – qui emporte Hegel. Il
s’installe un temps à Francfort où il arrive le 6 septembre, puis séjourne à Mannheim
durant l’année 1832. Il tente, sans succès, de renouer avec sa mère et sa sœur.
En juin 1833,
il s’installe définitivement à Francfort où il vit de ses rentes. Il renoue
épistolairement avec sa sœur et sa mère. Son emploi du temps est régulier. Il
prend un repas à l’hôtel d’Angleterre où il lit les journaux, surtout le Times. Il se promène avec son caniche,
Atma (terme dérivé du sanscrit qui signifie quelque chose comme « âme du
monde »). Il a une gouvernante pour s’occuper de lui. Dans son appartement
des portraits de chiens alternent au mur avec des portraits de philosophes
comme Kant ou Platon. Il joue de la flûte, notamment du Rossini (1798-1868).
Nietzsche (1844-1900) à propos de ce dernier trait de caractère y verra une
contradiction avec son pessimisme (cf. Nietzsche, Par delà bien et mal, 186). Puis il consacre quelques heures au
travail.
En 1835, son
éditeur Brockhaus lui indique que les ventes du Monde comme volonté et comme représentation sont toujours quasi
nulles.
Il publie en
1836 De la volonté dans la nature qui est un complément au livre II de
son grand ouvrage. Il y fait notamment l’éloge de Pierre-Jean-Georges Cabanis (1757-1808)
et de Marie-François Xavier Bichat (1771-1802). C’est un nouvel échec
éditorial.
Entre
l’automne 1837 et le printemps 1838, Schopenhauer envoie un mémoire répondant à
une question posée par l’Académie de Norvège, Sur la liberté de la volonté humaine.
Le 17 avril
1838, sa mère meurt à Iéna.
Le 26 janvier
1839, il reçoit le premier prix de l’Académie du Norvège et le mémoire est
imprimé (il sera traduit la première fois en français sous le titre : Essai sur le libre arbitre). Le 26
juillet, il envoie le manuscrit d’un second mémoire, Sur le fondement de la morale, à la Société Royale des
Sciences du Danemark à Copenhague qui avait mis au concours cette question.
Le 17 janvier
1840, l’Académie du Danemark lui refuse le prix quoi qu’il soit le seul
candidat. Il est vraisemblable que les sarcasmes relatifs à Fichte et Hegel y
sont pour quelque chose. Le philosophe Julius Frauenstädt (1813-1879) défend
Schopenhauer dans Études et Critiques.
En 1841, il
fait paraître Les deux problèmes
fondamentaux de l’éthique composé des deux mémoires. Julius Frauenstädt
défend à nouveau Schopenhauer dans un article des Hallische Jahrbücher.
En 1843, il
propose à son éditeur Brockaus, une nouvelle édition du Monde comme Volonté et comme Représentation. Il refuse.
Schopenhauer propose alors une édition séparée des suppléments à son ouvrage
que Brockaus accepte. Il a quelques admirateurs qui deviennent des
disciples : les juristes Friedrich Dorguth (1776-1854), Johann-August Becker
(1803-1881) et Adam de Doos (1820-1873).
En 1844,
paraît la deuxième édition du Monde comme volonté et comme représentation
avec quatre Suppléments qui en
doublent le volume.
En 1846, son
éditeur lui indique que les choses ne vont pas mieux. « J’ai fait une mauvaise affaire »
lui dit-il. En juillet Frauenstädt arrive à Francfort avec les enfants du prince
de Wittgenstein dont il était le précepteur. Pendant cinq mois il voit presque quotidiennement
Schopenhauer.
En 1847, il
publie la deuxième édition de la
Quadruple racine du principe de raison suffisante,
sa thèse de doctorat qu’il a profondément remaniée. Le 25 août, Adèle, sa sœur
meurt.
Pendant la
révolution de 1848, qu’il condamne, on raconte qu’il aurait fait monter les
soldats autrichiens chez lui pour qu’ils tirent sur les insurgés. Schopenhauer
n’avait aucune affinité pour les révolutionnaires de gauche puisqu’il refusait
l’idée de progrès mais surtout, il détestait le désordre social.
En 1849, il
entreprend la rédaction des Parerga et
Paralipomena (Accessoires et restes)
où il traite de sujets les plus divers et pour certains assez pittoresques
comme la laideur des barbes, la bêtise des universitaires, la bonté des chiens,
l’intérêt des tables tournantes. Dans un premier temps, aucun éditeur ne veut
les publier
En 1851, il
publie les Parerga et Paralipomena qui lui apportent le succès. Ils
contiennent les Aphorismes sur la sagesse
dans la vie, Philosophie et
philosophes, Métaphysique et
esthétique, Philosophie et science de
la nature, Éthique, droit et politique, Sur la religion, Essai sur
les apparitions et sur les faits qui s’y rattachent. Le texte est de
facture littéraire et traite donc de multiples sujets : philosophie, littérature,
style, droit, morale, politique, métaphysique, religion, sciences occultes, art
de vivre, etc.
En 1852, John
Oxenford (1812-1877) publie un article anonyme « Iconclasm in german philosophy » dans la Westminster Review , bientôt traduit en allemand
et publié dans la Vossische Zeitung de Berlin,
qui consacre l’importance de Schopenhauer. Il le présente comme un critique de
Hegel.
En 1853, le
musicien Richard Wagner (1813-1883) le découvre. Sa notoriété commence.
L’année
suivante, il lui envoie un exemplaire de son poème L’anneau du Nibelung (dont l’opéra sera représenté en 1876).
Schopenhauer quant à lui n’apprécie guère la musique de Wagner. Après une des
rares auditions d’œuvres de Wagner à laquelle il assista, il déclara :
« Il devrait pendre la musique au
clou, il a beaucoup plus de génie pour la poésie ! Moi, Schopenhauer, je
reste fidèle à Rossini et Mozart. » (cité par Clément Rosset, Écrits sur Schopenhauer, PUF, 2001,
p.230)
Une seconde édition de Sur la vue et les couleurs paraît. Une
nouvelle édition de La volonté dans la
nature paraît accompagnée d’une attaque contre les philosophes
universitaires. Schopenhauer s’adonne au magnétisme. Il fait tourner les
tables. La faculté de Leipzig met au concours un mémoire sur sa philosophie.
Des cours sur lui ont lieu à Bonn, Breslau. Schopenhauer est très souvent
photographié. Ses habitudes demeurent les mêmes.
En 1858,
Schopenhauer refuse la proposition de l’Académie des sciences de Berlin d’en
devenir membre.
Une nouvelle
édition du Monde comme volonté et comme
représentation en 1859 va connaître un immense succès. On vient du monde
entier l’écouter à l’hôtel d’Angleterre. Le philosophe, Louis-Alexandre Foucher
de Careil (1826-1891) et le philosophe et journaliste à cette époque, Paul Challemel-Lacour
(1827-1887) viennent le voir. Challemel-Lacour racontera l’entrevue dans La Revue des deux mondes en 1870 sous le
titre « Un bouddhiste contemporain en Allemagne ». Foucher de Careil
relatera son entrevue dans son Hegel et
Schopenhauer qui paraîtra en 1862. La plasticienne Elisabeth Ney (1833-1907)
reste un mois chez lui pour sculpter son buste.
C’est en
pleine gloire qu’il meurt subitement le 21 septembre 1860 d’une pneumonie,
année où paraît une seconde édition de son ouvrage Les deux problèmes fondamentaux de l’éthique. La seule mention sur
sa tombe est :
Arthur Schopenhauer.
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