Pour les Confessions l’édition citée est : Saint Augustin, Confessions, Paris, Gallimard, « Folio classique », 1993,
traduction d’Arnauld d’Andilly (1589-1674). Les principaux ouvrages que j’ai
consultés sont indiqués au fur et à mesure de l’exposé à certains moments. Je
suis redevable à leurs savants auteurs de tout ce qu’il y a de juste dans mon
propos. Toutes les erreurs sont mon fait.
Aurelius
Augustinus, plus connu sous le nom d’Augustin ou de Saint Augustin pour les
catholiques, est né le 13 novembre 354 à Thagaste (Souk Ahras dans l’est de
l’actuelle Algérie), dans la province romaine de Numidie. Son père, Patricius
ou Patrice, est un petit propriétaire foncier, païen (cf. Confessions, I, 11, p.46). Sa mère, Monique est une chrétienne
catholique très pieuse. C’est donc dans le christianisme catholique qu’est venu
au monde Augustin. Il est catéchumène, mais il n’est pas baptisé : l’acte
à cette époque étant réservé à l’âge adulte. Enfant et malade, il demanda à
être baptisé, mais sa guérison lui fit remettre l’acte (cf. Confessions, I, 11, p.46 et V, 9,
p.167). Bref, sa future conversion doit être conçue un peu comme celle d’un “born again” américain.
En 361, il
entre à l’école du litterator, à
Thagaste, une sorte d’école primaire. Il se souvient dans les Confessions (I, 9) qu’il n’aimait pas
étudier. Il ne conserva presque rien du grec qu’il apprit. Aussi n’a-t-il
jamais pu lire le Nouveau Testament
dans sa langue d’origine. Les châtiments corporels assuraient l’obéissance des
élèves.
En 366, il
continue ses études à Madaure, une ville proche de Thagaste. Il lit, en latin,
les auteurs grecs et latins : Homère (ix°
ou viii° av. J.-C. ?), le
poète comique Térence (190-159 av. J.-C.), l’orateur et homme politique Cicéron
(106-43 av. J.-C.), l’homme politique et historien Salluste (86-35 av. J.-C.),
le poète Virgile (70-19 av. J.-C.), le spécialiste d’agriculture Varron (116-27
av. J.-C.) et d’autres qui étaient des “classiques”. Deux types d’enseignants
se succèdent. Le grammaticus se livre
à des explications de texte et apprend la grammaire. Puis le rhetor, en français rhéteur, enseigne
l’art oratoire autrement appelé la rhétorique. Cet enseignement vise à former
un futur haut fonctionnaire ou un avocat (cf. Confessions, I, 18). La rhétorique, c’est-à-dire l’art de bien
parler, a toujours eu dans l’Antiquité un rôle politique et judiciaire malgré
l’extension de l’empire et du pouvoir absolu de l’empereur :
« Ceux qui avaient suivi
l’enseignement d’un rhéteur étaient supposés avoir développé une intelligence
plus vive, un discours plus raffiné et un comportement plus harmonieux et
respectable que quiconque. Ils en gardaient la marque pour le restant de leur
vie. À la fin de l’Empire, l’entraînement rhétorique, qui fleurissait dans le
monde grec depuis le iv° siècle
av. J.-C. n’avait rien perdu de son importance. La rhétorique demeurait la
« reine des disciplines » parce qu’elle s’occupait de ce qui restait
important dans la vie publique de l’Antiquité tardive – la façon dont les
notables se confrontaient verbalement à leurs supérieurs officiels, à leurs
pairs et aux hommes soumis à leur pouvoir et à leur protection. » Peter Brown (né en 1935), Pouvoir et persuasion dans l’Antiquité tardive. Vers un empire chrétien
(1992), Paris, éditions du Seuil, 1998, pp.65-66.
En 369-370, il
interrompt ses études car son père manque de moyens. Il traîne avec des garçons
de son âge. Ici se place le fameux épisode du vol des poires qui eut lieu chez
un voisin (cf. Confessions, II, 4).
Il le repensa comme le signe d’une volonté intrinsèquement maligne. Il est
possible comme déjà Pierre Courcelle (1912-1980) l’avait souligné dans ses Recherches sur les Confessions de Saint
Augustin parues en 1950, d’y voir le symbole du « fruit défendu volé
dans le jardin d’Eden » (cf. Pierre Hadot [1922- ?], Éloge de la philosophie antique,
Editions Allia, 1999, p.15).
Patricius
meurt après avoir obtenu d’un certain Romanianus, un ami de la famille et un
évergète, une sorte de bourse d’étude pour son fils à Carthage et surtout après
avoir été converti par son épouse au dernier moment et donc à temps pour éviter
les flammes de l’Enfer (cf. Henri-Irénée Marrou,
1904-1977, Saint Augustin et
l’augustinisme, Paris, Seuil, 1955, p.13).
Augustin
reprend ses études à Carthage à l’automne 370. La cité est, par sa population,
la seconde ville de la partie occidentale de l’Empire romain après Rome. Il
approfondit son étude de la rhétorique. A-t-il eu une vie étudiante
particulièrement dissolue comme il le laisse entendre (cf. Confessions III, 1 « Je vins à Carthage, où je me trouvai
aussitôt environné de toutes parts des feux de l’amour infâme. » p.87) ou
exagère-t-il ses fautes ? Toujours est-il qu’il se reconnaît une passion
pour le théâtre, passion coupable pour le chrétien lorsqu’il le redeviendra
(cf. Confessions, III, 2). En outre,
il fut un étudiant aussi turbulent que seront ses futurs élèves (cf. Confessions, V, 8, p.164). Rapidement il
a une liaison avec une femme à l’automne 371. Elle devient sa concubine. Son
nom nous est à jamais inconnu. Elle lui donnera l’été de l’année suivante un
fils, Adéodat (cf. Confessions, IV,
2, p.117).
En 373, il lit
l’Hortensius de Cicéron, traité
perdu, qui semble avoir été un protreptique, c’est-à-dire un texte écrit pour
convertir à la philosophie. C’est ce qui se passe avec Augustin. Il écrit à
sont propos :
« cet amour de la sagesse est appelé
par les Grecs Philosophie ; et c’était à l’amour de cette science que ce
livre m’enflammait. » Augustin,
Confessions, III, 4, p.95.
Toutefois, à
l’étonnement d’un moderne, il se tourne vers la Bible. Pourquoi ? On peut penser qu’Augustin se méfiait de la
philosophie des païens comme Saint Paul l’exige :
« Prenez garde que personne ne vous trompe
par la Philosophie, et par de vaines subtilités, en suivant plutôt les
traditions des hommes et les maximes du monde, que l’Esprit de Jésus-Christ, en
qui la plénitude de la divinité réside corporellement. » La Bible, Nouveau Testament, Paul, Epître
aux Colossiens, 2, 8, cité par Augustin,
Confessions, III, 4, p.95.
C’est la
dernière interprétation sur la marché, celle de Jean-Luc Marion (né en 1946) dans
Au lieu de soi. L’approche de Saint
Augustin (Paris, P.U.F., « Épiméthée », septembre 2008, p.23). En
ce sens, qu’il se soit tourné vers la Bible
irait en quelque sorte de soi. Toutefois, une telle interprétation présuppose
ce qui est en question puisqu’au moment où il se tourne vers la Bible, Augustin n’est pas encore redevenu
un chrétien catholique.
On peut
soutenir que chrétien par sa mère, il se serait tourné d’instinct vers la Bible comme Lucien Jerphagnon (né en
1921) le soutient (Saint Augustin. Le
pédagogue de Dieu, Paris, Gallimard, 2002, « Découvertes »,
p.32). L’explication par l’instinct revient à ne rien expliquer car il va lui
falloir neuf ans pour revenir au christianisme qu’il a abandonné. Étrange
instinct.
Si on évoque
« le réflexe de son éducation chrétienne » (Marrou, Saint Augustin et l’augustinisme, p.25),
reste à se demander quel rapport entre la Bible
et la philosophie.
Tout laisse
donc à penser que la Bible passait
généralement pour un texte qui pouvait satisfaire un « philosophe »,
c’est-à-dire qu’Augustin vivait à une époque où le christianisme catholique se
présentait comme la « vraie philosophie » (Sur cet aspect, Pierre
Hadot a écrit de belles pages dans son ouvrage, Qu’est-ce que la philosophie antique ?, Paris, Gallimard,
« Folio essais », 1995, p.355 et sq. ; pour le cas Augustin,
Peter Brown est convaincant dans La vie
de saint Augustin, 1967, 2000, Paris, Éditions du Seuil, 1971 et 2001,
p.51).
Or, la Bible le déçoit tant au niveau du
contenu que de la forme qui heurte son sens classique de la beauté (cf. sa
réinterprétation en Confessions, III,
5). Va-t-il se tourner vers la philosophie à proprement parler ?
Nullement. Il adhère bientôt au manichéisme, église assez répandue en Afrique
romaine et où se trouvaient des gens influents.
Le manichéisme
est une doctrine qui provient de Mani (216-277), un prophète né en Babylonie
dans une secte judéo-chrétienne. Il eut une révélation. Le Saint-Esprit promis
par le Christ lui est apparu. Il prône alors le « vrai
christianisme ». Il se présente aussi comme le successeur de Zarathoustra
du côté de l’Asie centrale et comme celui du Bouddha en Chine. Pour le
manichéisme, à l’instar du gnosticisme, il y a deux principes, celui du bien et
celui du mal. Il y a deux divinités, un dieu bon, le Christ, et une sorte de
mauvais démiurge qui a fabriqué le monde matériel. Le premier s’exprime dans le
Nouveau Testament, le second dans l’Ancien Testament. Les deux principes
luttent et la révélation promet que le bon principe permettra aux âmes enfermées
de sortir de la matière.
Le manichéisme
se présente aussi comme une doctrine scientifique ou philosophique
rationnellement démontrée et en même temps comme une doctrine pour initiée.
Les manichéens
ont des prêtres, les Élus, soumis à de nombreuses prescriptions distinctes de
celles des simples fidèles. Ils doivent s’abstenir de toute vie sexuelle,
surtout de procréer. Ils doivent refuser la nourriture carnée qui appartient au
règne du mal et des ténèbres. Les fruits aux belles couleurs sont valorisés
parce qu’ils appartiennent au règne du bien et de la lumière. Les simples fidèles
ou Auditeurs quant à eux doivent aider les Élus et espérer ainsi se réincarner
en Élu dans une autre vie. Augustin devint un Auditeur (les cathares du Moyen
Âge seront de lointains descendants des manichéens).
Augustin
revient à Thagaste où il ouvre une école pour y enseigner la rhétorique. Sa
mère rompt avec lui à cause de sa conversion au manichéisme. Toutefois, elle
aurait eu un songe annonçant son futur retour au catholicisme (cf. Confessions, livre III, chapitre 11).
Les conseils d’un évêque aidant, Monique se réconcilie avec son fils.
L’année
suivante, il retourne à Carthage. Il occupe la chaire municipale de rhétorique
(la législation impériale obligeait les cités à payer les professeurs publics).
Il y restera jusqu’en 383. Il semble avoir été un bon maître au témoignage de
ses anciens élèves, notamment Alypius (†~430) qui deviendra son ami (cf. Confessions, VI, 7, p.196). Toutefois,
les étudiants étaient pour le moins turbulents. Ils pénétraient dans les autres
cours et faisaient preuve d’insolence (cf. Confessions,
V, 8, pp.163-164). Il compose son premier traité, perdu, le De pulchro et apto (De la beauté et de la convenance).
Il rencontre
le manichéen Faustus ou Fauste de Milève (†~390). Faustus pensait que l’Église
catholique était non une hérésie chrétienne par rapport au manichéisme mais une
secte païenne selon le témoignage d’Augustin dans son Contre Faustus. Augustin commence à douter de la valeur des
conceptions manichéennes, notamment du point de vue scientifique. Cet aspect
n’est pas à négliger car il montre que la crédibilité
« scientifique » – Augustin dit « philosophique » – est
importante dans l’Antiquité dans le milieu de la culture (cf. Confessions, V, 3). Son éloignement du
manichéisme le conduit à s’approcher du scepticisme de la Nouvelle Académie
(cf. Confessions, V, 10, p.170).
Ce terme
désigne l’école de Platon à partir d’Arcésilas (~315-~241 av. J.-C.) et de ses
successeurs dont le plus célèbre est Carnéade (~219-128 av. J.-C.). Revenant au
non savoir de Socrate, les philosophes de la Nouvelle Académie interprètent
Platon du côté du doute. D’où la parenté avec le scepticisme. Les sceptiques
quant à eux ont toujours refusé la confusion car les Académiciens font un usage
dogmatique du doute (cf. Sextus Empiricus). Augustin fait bien la distinction
(cf. Confessions, V, 10, p.170-171).
Toutefois
Augustin ne sera jamais l’homme du « mol oreiller du doute » pour
reprendre une expression célèbre que l’on attribue à Montaigne (1533-1592, Essais, III, 13 De l’expérience :
« O que c’est un doux et mol chevet, et sain, que l’ignorance et l’incuriosité,
à reposer une teste bien faicte. »).
En 383, il
gagne Rome pour y poursuivre sa carrière de professeur, encouragé par sa pieuse
mère qui ne négligeait pas la réussite toute temporelle de son fils. Dans un
milieu où l’important est d’avoir plus de voitures que les autres, il court
après les élèves pour gagner de l’argent et est souvent trompé. Car, si les
étudiants romains étaient moins turbulents que ceux de Carthage, ils étaient
moins honnêtes, différant de payer ce qu’ils devaient à leurs professeurs.
En 384, c’est
grâce à ses amis manichéens qu’il est introduit auprès de Symmaque (~342-~403),
le préfet de la ville de Milan, véritable capitale de l’Empire à ce moment (cf.
Confessions, V, 13). Symmaque est un
homme cultivé et un des derniers représentants du paganisme. Augustin est nommé
grâce à lui au poste prestigieux de professeur de rhétorique à Milan, poste qui
ouvrait à une carrière dans la haute administration impériale. Augustin est au
faîte des honneurs. Il partage son temps entre ses cours du matin et les
visites aux personnages importants qui peuvent lui permettre de progresser dans
sa carrière de fonctionnaire impérial. (cf. Confessions,
VI, 11, p.207). Il a rencontré l’évêque Amboise (340-397), cousin de Symmaque,
qui va jouer un rôle certain dans son retour au catholicisme. Augustin à qui
sont confiés des discours importants, notamment un panégyrique pour célébrer le
jubilé de l’empereur Valentinien II (371-375-392),
se détache du manichéisme et se rapproche de la religion officielle de
l’empire, le catholicisme. Faut-il penser que foi et carrière s’allient ?
Au printemps
de 385, Monique le rejoint à Milan. Soucieuse de la carrière de son fils, elle
veut lui faire faire un beau mariage. La jeune femme avec qui il vivait est
renvoyée en Afrique. On sait par Augustin qu’elle lui fit vœu de lui rester
fidèle (cf. Confessions, VI, 15). Le
comportement peu chrétien et peu charitable de Monique peut s’expliquer par
l’interdiction légale pour quelqu’un comme Augustin qui appartient à la classe
des honestiores d’épouser une femme
de la classe inférieure des humiliores
(cf. Marrou, Saint Augustin et
l’augustinisme, p.24). On ne peut qu’être surpris que le christianisme de
la future sainte Monique s’accommode si facilement d’une législation pour le
moins discutable. Augustin conserve à ses côtés son fils, Adéodat. Il se trouve
une nouvelle maîtresse en attendant le mariage.
Sa vision de la Bible
commence à changer grâce aux prêches d’Ambroise. Il n’est pas non plus
insensible aux chants de l’Église et se le reprochera plus tard (cf. Confessions, X, 33, p.382). Ambroise lit
de façon allégorique des textes dont le sens littéral heurtait Augustin. En
outre, Ambroise utilisait le néoplatonicien, Plotin (205-270), pour interpréter
la Bible. Il avait été formé par
Simplicianus ou Simplicien, qui lui succédera. Simplicianus fut un intime de
Marius Victorinus (280 ?-365) ou Victorin, un rhéteur célèbre converti au
catholicisme en 357 (Augustin en donne le récit dans les Confessions, VIII, 2) et traducteur de Porphyre (III° siècle) voire
de Plotin (cf. Lucien Jerphagnon, Histoire
de la Rome antique, Paris, Tallandier, 1987, pp.471-472).
En 386, il
médite sur le mystère du mal. À partir du mois de mai, il découvre directement
les livres des « platoniciens », c’est-à-dire de ceux que nous
nommons les néoplatoniciens. Dès lors, les questions du mal, du bien, de l’âme
et de Dieu s’en trouvent modifiées. En effet, le néoplatonisme permet de penser
des réalités qui ne sont pas matérielles. Il permet de penser que les réalités
intelligibles sont plus nobles, plus réelles, que les réalités matérielles qui
en dérivent pour ce qu’elles ont de positif. Il permet de penser le mal comme
moindre être sans présupposer une source du mal différente du Principe suprême.
Dans l’Antiquité tardive, le néoplatonisme est
la philosophie. Il a amalgamé les autres écoles qui s’en distinguaient, à
savoir l’aristotélisme, le stoïcisme voire l’épicurisme.
Augustin a dû
lire à ce moment là Plotin et peut-être son disciple Porphyre. Il lit les Lettres ou Épîtres de Paul (~10-~64) du Nouveau
testament.
La conception
néoplatonicienne et la conception chrétienne ne sont toutefois pas
conciliables. La première repose sur l’idée qu’un Premier Principe, l’Un, est
la source éternelle de toutes les réalités, intelligibles et sensibles. Les
dieux du paganisme en dérivent. L’âme, réalité intelligible, peut retourner à
sa source en rompant avec le corps qui n’appartient pas essentiellement au moi.
La conception chrétienne est celle d’un Dieu qui est une personne. Il se
présente à Moïse à la première personne en disant :
« Je suis celui qui suis. » La Bible, Ancien Testament, Exode,
3, 14.
Ce Dieu a créé
un monde fini et destructible. L’homme a péché et est condamné. Pour le sauver,
Dieu s’est incarné, a vécu humblement et est mort sur la croix, c’est-à-dire de
façon infamante aux yeux des Anciens. Il promet la résurrection des corps à
ceux qui ont la foi. L’homme est donc âme et corps pour le christianisme. Il
méprise la chair, soit le corps corrompu, mais non le corps lui-même.
Le
néoplatonisme est une philosophie qui exige une rigoureuse formation
intellectuelle, à commencer par les mathématiques. Elle n’est accessible qu’à
un petit nombre.
Le
christianisme est une religion. Elle accueille tous ceux qui ont la foi quelle
que soit leur culture.
Nouvelles
étapes vers sa conversion : Augustin consulte le théologien Simplicianus ou
Simplicien (cf. Confessions, VIII,
1). Puis il reçoit la visite de Ponticianus. Il lui fait connaître la Vie de Saint Antoine de (saint) Athanase
(~293-373).
C’est à la fin
de juillet ou au début d’août que se situe l’ultime révélation dans le jardin
de Milan qui l’amènera à son retour définitif au christianisme catholique.
Augustin entend la voix d’un enfant qui lui dit : « Prends et
lis ; prends et lis » (« Tolle,
lege, tolle, lege ! » Confessions,
VIII, 9). Il ouvre un passage de Saint Paul
« Ne vivez pas dans les festins,
dans les excès de vin, ni dans les voluptés impudiques, ni dans les querelles
et les jalousies ; mais revêtez-vous de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et ne
cherchez pas à contenter la chair dans ses convoitises. » La Bible, Nouveau Testament, Epître aux
Romains, 13, 13-14.
Il se
convertit. On peut penser que tout dans cette scène est « si simple et si
naturel » (cf. Marrou, Saint
Augustin et l’augustinisme, p.32). On peut aussi penser que ce récit n’a de
valeur que symbolique comme Pierre Courcelle l’avait soutenu et Pierre Hadot
après lui. (cf. Hadot, Éloge de la philosophie
antique, Editions Allia, 1999, pp.13-14).
À l’automne,
il renonce à ses fonctions de professeur de rhétorique. Il se retire non loin
de Milan avec sa mère, son frère, son fils, des cousins et des disciples dans
une villa prêtée par un ami et collègue, le grammairien Verecundus, à
Cassiciacum (aujourd’hui Cassago de Brianza, à 40 kilomètres environ
de Milan, près du Lac de Côme) (cf. Confessions,
IX, 3). Il y rédige ses premières œuvres. Dans le Contre les philosophes de l’Académie, il critique les arguments qui
remettent en cause la possibilité de trouver la vérité. Dans De la vie heureuse, il reprend à
nouveaux frais la question classique des philosophes. Dieu y joue les premiers
rôles. De l’ordre permet de résoudre
le problème du mal en tenant compte de la totalité. Leibniz (1646-1716) s’en
souviendra dans ses Essais de Théodicée
(1710). Les Soliloques, un
néologisme, désignent le dialogue entre son âme et sa raison. La seconde invite
la première de cette façon :
« Ne cesse pas d’avoir confiance en
Dieu, abandonne-toi à Lui aussi complètement que tu le pourras. N’aspire pas à
n’appartenir qu’à toi-même, à être pleinement indépendant, fait plutôt
profession d’être l’esclave de ce Dieu plein de clémence et de bonté. » Augustin, Les Soliloques, I, 15 (30).
Au début de
l’année 387, il rentre à Milan. Il y rédige un traité qui empile les preuves de
L’immortalité de l’âme. Dans la nuit
pascale du 24 au 25 avril, il reçoit le baptême des mains d’Ambroise en
compagnie de son ami Alypius, futur évêque de Thagaste, et de son fils Adéodat.
Il décide de reprendre le cursus entier des études, grammaire, rhétorique,
dialectique, musique, géométrie, astronomie. Une Grammaire est écrite, elle est perdue. Il publie De la musique, un traité de métrique.
À l’automne,
alors qu’il veut retourner en Afrique, il est bloqué dans le port d’Ostie par
l’usurpation de Maxime. Il y connaît une expérience mystique en compagnie de sa
mère. Monique meurt peu après.
Il séjourne à
Rome. Il rédige un opuscule sur et contre Les
Mœurs des manichéens, un dialogue sur La
Dimension de l’âme pour montrer qu’elle est d’essence spirituelle. C’est ce
que montre notamment l’abîme qu’est la mémoire. Il entreprend Le libre arbitre où Dieu est absout du
mal et l’homme convaincu d’en être seul responsable par sa désobéissance. Le
traité laisse à penser que par sa seule volonté l’homme peut faire le bien. Un
certain Pélage retiendra la leçon (cf. Peter Brown, La vie de Saint Augustin (1967, 2000), Paris, Gallimard,
« Folio essais », 2001, p.192). Sur ce point, Augustin “évoluera”. On
y trouve aussi une des versions des textes que les contemporains de Descartes
ont relevée comme étant une anticipation du principe de la philosophie
cartésienne, soit dans le latin des Principes
de la philosophie (1644), le « cogito, ergo sum » :
« (Alypius dialogue avec Evodius)
– Et pour
partir d’une vérité claire, je te demanderai d’abord si toi-même tu existes.
Mais peut-être crains-tu de te tromper en cette question, quand tu ne pourrais
certainement pas te tromper si tu n’existais pas ?
– Passe plutôt
à la suite.
– Il est donc clair que tu existes ; et, puisque tu
n’en aurais pas l’évidence, si tu ne vivais pas, il est donc aussi clair que tu
vis. » Augustin, Le libre arbitre, II, 3.
Descartes,
quant à lui, a fermement refusé cette paternité, et avec raison. Car, c’est la
vie et non l’existence du moi qu’Augustin établit (« ego sum, ego existo »
« moi, je suis, moi, j’existe » pourrait-on traduire l’expression du
premier principe de Descartes dans la seconde de ses Méditations métaphysiques de 1642).
L’été de 388
vit la fin de l’usurpation de Maxime. À l’automne, Augustin prend la mer pour
l’Afrique. Arrivé à Thagaste, il vend les propriétés de son père et forme avec
ses amis une sorte de communauté monastique.
En 389, il écrit
Le Maître. Il est le verbe divin, la
sagesse éternelle que chacun peut consulter en lui.
« Pour toutes les choses que nous
comprenons, ce n’est pas une parole résonnant au dehors que nous consultons à
leur sujet, mais c’est la vérité qui gouverne l’esprit lui-même au-dedans, les
mots peut-être nous avertissant de le faire. Or, celui que nous consultons
ainsi, voilà le Maître, celui dont il est dit qu’il habite dans l’homme
intérieur, le Christ, c’est-à-dire la force immuable de Dieu et la Sagesse éternelle.
Toute âme raisonnable le consulte, mais il ne se révèle à chacun que suivant sa
capacité, en raison de sa bonne ou mauvaise volonté. » Augustin, Le Maître, 11.
Il perd son
fils Adéodat et son ami Nebridius pendant cette période. Il publie Des mœurs de l’Eglise catholique contre
les manichéens. Il donne un Commentaire
anti-manichéen de la Genèse.
En 390 il
publie De la vraie religion [peut-être
en 392 selon Vincent Carraud, Pascal et la philosophie, P.U.F.,
« Épiméthée », mai 1992, note 1 p.100) dont il prend soin d’organiser
la diffusion afin de mieux combattre le manichéisme. Il combat également la
philosophie platonicienne dans le traité en tentant de montrer que c’est la
religion catholique qui la réalise.
« Si donc ces hommes [les anciens
philosophes de l’ère païenne] pouvaient maintenant revenir à la vie, ils
apprendraient quelle autorité dirige si facilement les hommes ; et en
changeant quelques mots, quelques principes, ils deviendraient chrétiens, comme
le sont devenus un si grand nombre de platoniciens de nos jours. Si au
contraire, persistant dans leur orgueil et leur jalousie, ils ne
reconnaissaient point et n’embrassaient point la vérité, comment
pourraient-ils, avec leur âme fangeuse et souillée, prendre de nouveau leur
essor vers ce qu’ils montraient comme le seul objet à désirer et à convoiter ? »
Augustin, De la vraie religion, IV.
Jusqu’en 391,
il mène en apparence une vie monastique à Thagaste. Il se rend à Hippone
(l’actuelle Annaba sur la côte algérienne). Il est reconnu par Valerius,
l’évêque d’origine grec qui s’exprimait fort mal en latin. Valerius connaissait
sa réputation. Il est choisi par la foule dans l’église au cri de
« Augustin prêtre » comme il en fit le récit dans le Sermon 355. Il est ordonné prêtre en
janvier. A-t-il été arraché par les autres à la vie monastique à laquelle il
aspirait ou bien a-t-il décidé d’être un homme d’Église ? Il écrit un
traité sur Le Mensonge où il montre
que la vérité est une valeur absolue. Il commence les Développements sur les Psaumes (jusqu’en 422).
En 394, il
rédige le Psaume alphabétique, en
latin populaire et en vers rythmés. Puis il donne des Commentaires de (Saint) Paul.
En 395, il est
nommé coadjuteur, puis évêque d’Hippone, tâche à laquelle il se consacrera
jusqu’à sa mort. La ville d’Hippone n’était nullement une ville sans
importance. C’était la deuxième ville après Carthage en Afrique romaine.
Augustin organise autour de lui une communauté où chacun donne ses biens.
L’ascétisme est de règle. En matière de nourriture il est modéré. En matière
sexuelle, il est radical. L’essentiel de l’activité est ecclésiastique. Tous
les jours l’évêque doit célébrer la liturgie, administrer les sacrements. La
prédication est une de ses tâches tous les dimanches et les jours de fêtes. On
comprend qu’Augustin ait laissé plus de cinq cents Sermons. Il instruit les nouveaux convertis et les futurs baptisés.
Il intervient en faveur des faibles auprès des puissants. L’évêque joue ainsi
le rôle qui était tenu jusque là par le philosophe avec qui il est en concurrence
et qu’il finira par évincer (cf. Peter Brown, Pouvoir et persuasion dans l’Antiquité tardive, p. 145 et sq.). Last but not least, l’évêque est
juge. Comme l’écrit Marrou :
« l’Empire chrétien s’acheminait
vers un type de Chrétienté déjà médiéval, où le spirituel et le temporel, la
compétence de l’Église et de l’État se rapprochent et se mêlent
inextricablement. » Marrou, Saint Augustin et l’augustinisme, p.43.
En 396, il
publie des Questions diverses à Simplicianus.
Il commence Enseigner le christianisme
(jusqu’en 426).
Il écrit et
publie les Confessions entre 397 et
400. Peut-être que les livres I à IX qui raconte sa vie jusqu’à sa conversion
ont-ils d’abord été publiés, puis les livres X à XIII. Le livre X est une
confession d’Augustin au moment même où il écrit. Les livres XI à XIII
commentent la Genèse et l’éclairent
philosophiquement ou inversement. L’objet de l’ouvrage est de montrer que c’est
Dieu qui a agi des débuts à la conversion d’Augustin et au-delà dans sa vie
actuelle. Il en donnera à la fin de sa vie l’interprétation suivante :
« Les treize livres de mes Confessions
célèbrent dans mes bonnes et dans mes mauvaises actions la justice et la bonté
de Dieu, et excitent l’âme humaine à le connaître et à l’aimer. C’est du moins
l’effet qu’elles ont produit sur moi quand je les ai écrites, et qu’elles
produisent encore quand je les lis.
Ce que les autres en pensent, c’est leur
affaire ; je sais toutefois que cet ouvrage a beaucoup plu et plaît encore
à beaucoup de mes frères. Du premier au dixième livre, il traite de moi ;
dans les trois autres, des saintes Ecritures, depuis la parole :
« Dans le principe, Dieu fit le ciel et la terre, » jusqu’au repos du
sabbat. » Augustin, Rétractations.
Entre 398 et
404, il rédige un gros Contre Faustus le
manichéen (33 livres )
où il se livre à une sévère critique d’un ancien condisciple et de sa religion.
En 399, il
commence son grand traité De la trinité
qu’il achèvera en 422. L’objet du traité est de rendre compte du fait que Dieu
est trois tout en étant un, ce qu’y amusait les païens. Augustin voulait aussi
instruire les chrétiens et ramener dans le droit chemin les hérétiques. On y
trouve le second des textes où Augustin semble anticiper sur Descartes :
« On n’est aucunement justifié à
dire que l’on connaît une chose tant que l’on en ignore la substance. C’est
pourquoi lorsque la pensée se connaît, elle connaît sa substance, et dès
qu’elle est certaine de soi, elle est certaine de sa substance. (…) Tout ce que
l’on exige d’elle, en lui ordonnant de se connaître, c’est qu’elle soit
certaine de ne pas être l’une des choses dont elle n’est pas certaine, et
qu’elle soit certaine d’être cela seulement qu’elle est certaine qu’elle
est. » Augustin, De la trinité, X, 10.
Un tel texte
ne dit rien sur ce qu’est la pensée humaine. Mieux. Elle indique les conditions
de la connaissance de soi sans indiquer comment elle est possible. Or, pour
Augustin, la pensée s’ignore puisque seul Dieu connaît vraiment la pensée qui
est mienne. Aussi son propos est-il bien différent de celui de Descartes.
Entre 400 et
412 environ, Augustin livre bataille contre le donatisme. Ce mouvement, du nom
de Donat (†355), un évêque de Carthage, était né après la dernière grande
persécution de 303-304 (à laquelle le philosophe “néoplatonicien” Porphyre
(234-305) avait participé, celle de Dioclétien (245-313), qui régna de 284 à
305). Donat, considérait que ceux qui avaient failli ne pouvaient administrer
les sacrements. Il les rebaptisait. L’Église donatiste devint plus puissante
que l’Église catholique en Afrique. Elle avait des milices violentes et
fanatiques – aux yeux des catholiques. C’est qu’elle recrutait chez les
Berbères peu romanisés et dans le prolétariat agricole exploité par les grands
propriétaires (cf. Marrou, Augustin et
l’augustinisme, pp.50-51).
En 401, il
commence son Commentaire littéral de la Genèse qu’il achèvera
en 414. Il répond à un jeune étudiant, Dioscore ou Dioscure, qui lui avait posé
une question sur Cicéron, en lui présentant une sorte d’histoire critique de la
philosophie (Lettre 118 à Dioscure).
En 404,
Augustin donne La Catéchèse des débutants.
En 406-407, ce
sont les Traités sur saint Jean qui
seront repris et achevés en 418.
Rome est prise
et saccagée par Alaric et ses Wisigoths qui y pénètrent le 24 août 410. Ce coup
de tonnerre dans le ciel en apparence serein du monde antique est à l’origine
de La cité de Dieu. En effet, les
chrétiens étaient accusés par les derniers païens d’être responsables, de la
disparition des ancestrales vertus romaines. Les cultes antiques venaient
d’être définitivement interdits en 408 par un édit de l’empereur Honorius.
C’est ainsi que le sénateur Volusien qui n’était pas encore chrétien écrivait :
« Si de tels
malheurs ont atteint l’État, c’est le fait des empereurs chrétiens qui observent
de leur mieux la religion chrétienne ; la chose est claire » Marcellin,
Epist. Ad Augustinum, CXXXVI, 2, C .S.E.L. t. 44, p. 95, 6.
Cité dans Courcelle, Histoire littéraire
des grandes invasions germaniques, Paris, 1948, p. 68.
C’est à cette
accusation qu’Augustin répond comme il l’expliquera plus tard :
« En ce temps, Rome fut envahie par
les Goths, sous le commandement du roi Alaric ; et elle fut presque
détruite par le désastre de cette mémorable défaite. Ce désastre, les
adorateurs de la multitude des faux dieux que nous nommons en langage ordinaire
les Païens, s’efforcèrent de l’attribuer à la religion chrétienne, et
commencèrent à blasphémer avec plus d’amertume et plus d’ardeur que jamais
contre le vrai Dieu. Enflammé du zèle de la maison du Seigneur, j’entrepris
d’écrire, contre leurs erreurs ou leurs blasphèmes, les livres de la Cité de Dieu. » Augustin, Rétractations.
La Cité de Dieu contient le troisième des
textes qu’on invoque pour faire d’Augustin un précurseur de Descartes et de son
« cogito ergo sum ».
« Car nous sommes, et nous
connaissons que nous sommes, et nous aimons notre être et notre connaissance.
Et nous sommes assurés de la vérité de ces trois choses. Car ce n’est pas comme
les objets de nos sens qui nous peuvent tromper par un faux rapport. Je suis
très certain par moi-même que je suis, que je connais et que j’aime mon être.
Je n’appréhende point ici les arguments des Académiciens, ni qu’ils me
disent : Mais vous vous trompez ? Car si je me trompe, je suis,
puisque l’on ne peut se tromper si l’on est. Puis donc que je suis, moi qui me
trompe, comment me puis-je tromper à croire que je suis, vu qu’il est certain
que je suis si je me trompe ? Ainsi puisque je serais toujours moi qui
serais trompé, quand il serait vrai que je me tromperais, il est indubitable
que je ne me puis tromper lorsque je crois que je suis. » Augustin, Cité de Dieu, XI, 26.
On peut croire
reconnaître le « cogito ergo sum » de Descartes. Pourtant, il y a une
différence essentielle, voire une opposition radicale, c’est que l’affirmation
de l’existence de celui que les Académiciens prétendent se tromper n’est pas un
principe premier. Dès lors, Augustin n’a pas découvert le cogito. Il a
simplement énoncé que le « je suis » est une vérité, une vérité parmi
d’autres et non un principe, à savoir le sujet de la philosophie moderne.
La Cité de Dieu vise à montrer la
distinction entre deux cités et leur destin :
« Deux amours ont bâti deux
cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu fit la cité
terrestre ; l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi fit la cité
céleste. » Augustin, Cité de Dieu, XIV, 28.
En 411, une
conférence réunissant des évêques donatistes et des évêques catholiques à
laquelle Augustin participe amène à la condamnation des premiers par le pouvoir
impérial. Augustin admet la persécution des hérétiques par l’État comme le
montre la Lettre 185 au comte Boniface.
Cette thèse aura des conséquences incalculables au Moyen Âge.
En 412, il
échange des lettres avec Marcellin et Volusien. C’est l’année où commencent les
longues controverses avec les Pélagiens. On nomme ainsi les disciples de Pélage
(~370-~340), moine par le mode de vie mais laïque du point de vue
ecclésiastique. Etabli à Rome vers 400, il se retrouve en Afrique après la
prise de Rome. Il tente d’entrer en contact avec Augustin. Celui-ci dans un
cours billet de douze lignes refuse. Pélage, lecteur des Confessions, soutenait que la faute d’Adam ne corrompait pas
irrémédiablement les hommes. Aussi grâce au libre arbitre et sans que la grâce
divine ne soit absolument nécessaire, chaque homme peut se sauver. Une telle
conception heurtait et la théologie d’Augustin et sa propre expérience de
converti. Augustin publie Des
pêcheurs : mérites et rémission.
En 414,
Augustin décide de ne plus s’occuper d’affaires extérieures à son diocèse.
En 415, il
achève De la nature et de la Grâce.
Il y dénonce la conception de la volonté de Pélage selon laquelle le péché
n’étant valable que pour Adam, tout homme peut grâce à son libre arbitre, user
de la grâce qui lui est offerte. Pour Augustin au contraire, sans la grâce,
l’homme ne peut pas vouloir le bien. Il est corrompu par le péché originel. Cet
apparent refus du libre arbitre sera à la source des doctrines protestantes de
Luther (1483-1546) et de Calvin (1509-1564). Il sera également à la source du
jansénisme.
En septembre
413, le tribun Marcellin, l’ami d’Augustin, est exécuté en même temps que son
frère pour une supposée trahison.
En 418,
Augustin écrit De la Grâce du Christ et
du péché originel où il revient sur son opposition à la pensée de Pélage.
Celle-ci est maintenant défendue par Julien d’Éclane. Il remarque la difficulté
du débat en ces termes :
« Quand on défend le libre arbitre,
on a l’air de nier la grâce ; quand on affirme la grâce, on a l’air de
nier le libre arbitre. »
On peut donc
comprendre que lui-même ne nie ni l’un ni l’autre, conformément à la doctrine
catholique.
Il publie
également Du mariage et de la
concupiscence.
En 421 et 422
il écrit son Contre Julien, le
théologien pélagien qui lui causa des difficultés théoriques mais l’amena à
persévérer dans sa doctrine de la grâce. Il écrit également l’Enchiridion où on trouve une définition
néoplatonicienne du mal :
« Mais ce qu’on appelle le mal,
qu’est-ce autre chose que la privation d’un bien ? » Augustin, Enchiridion, 3.
D’un point de
vue chrétien, il justifie le mal, y compris le péché comme étant en quelque
sorte nécessaire et prévu par Dieu.
« Dans la création, il n’est pas
jusqu’on appelle le mal qui ne soit bien ordonné et mis à sa place de manière à
mieux faire valoir le bien, qui plaît davantage et devient plus digne d’éloges
quand on le compare au mal. En effet le Dieu tout-puissant, auquel, ainsi que
le reconnaissent même les infidèles, appartient
le souverain domaine de toutes choses (Énéide,
x, 100) puisqu’il est
souverainement bon, ne laisserait jamais un mal quelconque exister dans ses
œuvres s’il n’était assez puissant et bon pour faire sortir le bien du mal
lui-même. » Augustin, Enchiridion, 3.
En 425 il
écrit De la Grâce et du libre arbitre.
En 424, il
achève La Cité de
Dieu.
En 426, il
donne à son successeur désigné, le prêtre Heraclius, l’essentiel de ses
fonctions ecclésiastiques afin de libérer du temps pour son œuvre. Il
entreprend de la revoir. Aussi commence-t-il à écrire les Rétractations, ouvrage qui fait le point et l’histoire de tout ce
qu’il a écrit jusque là.
C’est
vraisemblablement en 427 qu’il compose le De
correptione et gratia (De la
correction et de la grâce) où s’affirme clairement sa doctrine de la grâce
en réponse à l’objection faite par Florus qu’elle impliquerait une sorte d’innocence
de l’homme. Le péché est réaffirmé ainsi que la pleine responsabilité de l’homme
en même temps que la grâce est réaffirmée comme condition du salut.
En 429, il
rédige encore De la prédestination des
saints où il insiste sur le fait que tous ne seront pas sauvés.
Dans Du don de la persévérance, il donne un
conseil relatif au débat qui l’oppose au pélagianisme :
« Ne nous efforçons pas de pénétrer
ce qui est impénétrable et de comprendre ce qui est incompréhensible. »
Le 28 août
430, Augustin meurt dans Hippone assiégée par les Vandales. Installés en
Espagne depuis une vingtaine d’années, ils décidèrent de s’installer dans
l’Afrique romaine sous la conduite de leur roi, Genséric (~399-477).
L’œuvre
d’Augustin fut cataloguée et conservée par son collègue Possidius de Calama qui
écrira sa première biographie après 439.
Au concile
œcuménique d’Ephèse, en 431, le pélagianisme est condamné. L’empereur
Valentinien III (419-424-455) qui ne
connaissait pas encore la nouvelle, avait convoqué Augustin quelques semaine
après sa mort, tant sa réputation était grande.
En 476,
Romulus Augustule (460-511) est déposé : c’est la fin de l’Empire romain
d’Occident.
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