Sarah Bernardt (1844-1923) jouant Hamlet tenant le crâne du bouffon Yorick (Hamlet, Acte I, scène 5).
Analyse.
Le terme conscience
a (en français) essentiellement deux sens. Le premier (vraisemblablement le
plus ancien) est le sens moral. (On le trouve dans le grec συνείδησις « suneidêsis »
et dans le latin « conscientia » ; l’anglais utilise
« conscience » pour ce sens et l’allemand « Gewissen »). La
conscience est une voix intérieure qui nous dicte ce qui est bien et nous
interdit de faire le mal. Le sujet peut avoir « bonne conscience »,
« avoir la conscience tranquille ». Il peut « avoir mauvaise
conscience », c’est-à-dire éprouver remords ou repentir. La conscience
s’oppose à l’inconscience, défaut moral de celui qui agit sans écouter sa
conscience.
Au second sens,
la conscience (au sens “psychologique” ou “mental”) se dit du sujet qui se représente
ce qui se passe hors de lui ou en lui, d’être différent d’autrui, c’est-à-dire d’un autre sujet. L’anglais utilise
« consciousness » depuis Ralph Curdworth (1617-1688) et l’allemand
utilise « Bewusstsein » depuis le philosophe leibnizien, Christian
Wolf (1679-1754). Leibniz a introduit le mot « aperception » pour désigner ce phénomène. Le sens “psychologique”
de la conscience s’atteste dans des expressions comme « être
conscient », « prendre conscience de », etc. La conscience
s’oppose alors à l’inconscience, c’est-à-dire la perte de conscience
(évanouissement, sommeil, voire mort). Elle s’oppose à l’inconscient, c’est-à-dire à ce qui, dans le sujet, échapperait à
la conscience, voire la déterminerait. On peut concevoir cet inconscient comme étant en réalité le
corps vivant (par Alain dans les Éléments de philosophie). On peut le concevoir
comme étant de nature “psychique” ou “mental” comme Freud ou comme la
psychologie cognitive. La conscience “psychologique” se divise en conscience
immédiate et en conscience réfléchie. La première consiste dans le savoir ou le
sentiment d’avoir une représentation, d’éprouver une affection ou de commettre
une action ou encore de percevoir quelque chose. La seconde consiste à faire
retour sur soi, à avoir un recul sur soi, à se savoir conscient.
De façon
générale, la conscience définit le sujet
au sens de la philosophie moderne, c’est-à-dire un être capable de se
représenter lui-même et le monde, capable d’agir de façon responsable et donc
moralement.
Problèmes.
Le premier
problème consiste à déterminer quel est le sens de la conscience. En effet,
est-ce parce qu’il est conscient au sens où il se rend compte d’être un sujet
que l’homme peut accéder à la morale
ou bien est-ce au contraire parce qu’il est capable de moralité que l’homme
peut être conscient de lui-même comme sujet, c’est-à-dire être capable de
répondre de ses actes et de ses pensées ?
Le second
problème (qui recoupe le premier) consiste à déterminer quelle est la forme
fondamentale de la conscience. Si c’est la conscience immédiate, cela voudrait
dire qu’elle est inconsciente de soi puisqu’elle ne fait pas retour sur
elle-même, ce qui est absurde.
Si au contraire,
c’est la réflexion, même au sens moral comme l’entend Alain dans ses Définitions (posthume, 1953), comment
éviter alors que la réflexion tombe dans une régression infinie ? En
effet, toute conscience de conscience impliquerait une autre conscience sans
fin. Il n’y aurait jamais de réflexion achevée, donc de réflexion tout court,
ce qui contredit la définition supposée et paraît ramener la compréhension de
la conscience à l’immédiateté.
En un mot, la conscience est-elle un principe premier
de la connaissance et de l’action ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire