Titien, Vénus et Cupidon avec un joueur d'orgue, (~1560), huile sur toile, 115 x 210 cm, Staatliche Museen, Berlin.
Le peintre montre un musicien qui se détache de son instrument pour contempler une Vénus qui regarde un Cupidon. Exprime-t-il la supériorité de la peinture sur la musique dans la représentation de la beauté ?
Analyse.
L’art passe pour le domaine où toutes
les productions et tous les jugements sont possibles. Est-ce de l’art ou
non ? Chacun aurait son point de vue. Mais voilà justement un point de vue
qui veut s’imposer comme le seul possible, ce qui est contradictoire. Et il
s’accompagne souvent de jugements péremptoires contre ce qu’il est convenu de
nommer l’art moderne ou l’art contemporain. « Même un enfant peut le
faire » entend-on souvent pour refuser à une œuvre qui choque son statut
d’œuvre d’art.
Convenons que l’art doit d’emblée se
distinguer de la technique qui vise à fabriquer des objets d’usage et de
consommation : ce sont des moyens. Les œuvres d’art se contemplent,
s’appréhendent en elles-mêmes : ce sont des fins en soi. Abstraction faite
des œuvres architecturales qui sont souvent aussi utiles, les sculptures, les
tableaux, les œuvres musicales, les chorégraphies, les œuvres poétiques, voire
les films, les photographies, etc., n’ont pas d’utilité au sens propre. Aussi l’art
contemporain peut-il tenter de tout transformer en œuvre d’art en coupant l’objet
choisi de la sphère de l’utile. Traditionnellement les arts se sont distingués des
savoir-faire artisanaux sous le nom de beaux-arts.
Or, la beauté n’est peut-être pas
réservée à l’œuvre d’art. D’une part, on ne peut écarter l’idée de beauté
naturelle, voire l’idée de beauté pour certains objets techniques même s’il
s’agit d’une transposition de la beauté artistique. D’autre part, le contenu de
certaines œuvres vise d’autres sentiments esthétiques : le sublime, voire
la laideur. Enfin et surtout, l’art n’a-t-il pas une tout autre visée que le
simple effet esthétique ?
En effet, il y a un contenu dans toute
œuvre d’art et pas simplement un effet sur le spectateur. Par exemple, la
tragédie Antigone (~442 av. J.-C.) de
Sophocle ne produit pas seulement la terreur et la pitié selon l’analyse
d’Aristote dans la Poétique (chapitres
6, 9, 11, 13, 14, 19), mais présente l’opposition des lois morales et des lois
politiques.
Problèmes.
Le contenu des œuvres d’art et les effets
qu’elles produisent dépendent-ils simplement de l’individu et comment alors rendre
compte que certaines œuvres touchent plus que d’autres ?
Ont-elles pour source la culture au sens anthropologique de
représentations particulières à un groupe humain lié par l’histoire ou bien
peuvent-elles dépasser toute culture existante pour s’adresser à la
culture, voire la former, si on entend par culture
l’accomplissement par l’homme de sa propre humanité ?
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