Vie.
Baruch Spinoza
ou Baruch Espinoza (Méchoulan 1991, p.137) ou Baruch de Spinoza (cf. Lucas,
Vie de Spinoza) ou Bento d’Espinoza
est né le 24 novembre 1632 à Amsterdam. On a pu dire que c’était à ce
moment-là, la ville la plus libre et la plus puissante du monde
(Méchoulan 1991, p.11). Son prénom hébreu, Baruch, signifie
« béni ». De même que son prénom portugais, « Bento » (cf.
Rizk 2012, p.7). C’est le prénom dont il usera lorsqu’il reprendra
l’entreprise de son père (cf. Jacqueline Lagrée « Spinoza ou la conscience
d’une ville », in Amsterdam XVII°,
p.140). Aussi se fera-t-il prénommé selon la traduction latine, Benedictus, une
fois sortie de la communauté juive.
Son
grand-père, Abraham et son père, Michael (1587/1588-1654), avaient fui les
persécutions religieuses de la péninsule ibérique. Après Nantes (cf.
Méchoulan 1991, p.80 ; Meinsma 1896, p.75), ils s’installent à
Amsterdam. Ils y arrivent en 1593. En effet, les juifs de la partie chrétienne
de la péninsule ibérique souffraient de façon intermittente. Une politique de
conversion douce ou forcée était conduite par les souverains catholiques.
Massacrés en 1391, ils sont expulsés d’Espagne en 1492 l’année de la
disparition du dernier royaume musulman.
Ceux qui
étaient restés s’étaient formellement convertis au catholicisme. Mais ils étaient
en butte à l’hostilité des chrétiens de “sang”. Ce sont des marranes selon
l’expression péjorative des Espagnols et des Portugais pour désigner les juifs
et les musulmans convertis au catholicisme qu’on soupçonne de pratiquer leur
religion première en cachette (cf. Révah 1995, p.30). Le mot en effet
renvoie au porc, interdit dans les deux religions interdites. On en trouve un
usage chez les autres Européens ; par exemple Rabelais (1483-1553)
l’utilise pour caractériser les Espagnols en général dans le chapitre VIII de
son Gargantua (1534). Elle désigne
aussi bien ceux qu’on peut nommer les cryptojuifs, c’est-à-dire les juifs qui
vivent dans la duplicité, officiellement convertis au catholicisme, mais juifs
en tant que croyants et vivant leur foi dans le secret, que les juifs
sincèrement convertis, mais considérés comme impurs par le sang pour les
Espagnols puis les Portugais (sur la différence entre marrane et cryptojuif,
Méchoulan 1991, p.12-13). En effet, depuis les statuts de la pureté du
sang, pris à Tolède le 5 juin 1449, se distinguent racialement les chrétiens
anciens des juifs convertis à qui sont interdits toute fonction honorifique ou
publique. D’un point de vue religieux, l’eau baptismale n’était censée faire
aucun effet sur eux (cf. Méchoulan 1991, p.13 sq.).
Quant au
Portugal, à partir de 1497, les Juifs y sont contraints de se convertir.
Jusqu’en 1536, ils ne sont pas inquiétés même si leur foi n’était pas sincère.
On peut signaler toutefois un massacre de nouveaux chrétiens en 1506
(Méchoulan 1991, p.15). Leur situation sociale et financière est bonne. La
fondation de l’Inquisition au Portugal à la demande du roi Manuel 1er
(1469-1495-1521) eut lieu après sa
mort en 1536. Elle rend de nouveau difficile la situation des cryptojuifs. En
1580, Philippe II (1527-1556-1598)
envahit le Portugal et l’annexe à son empire. Paradoxalement, cette invasion
leur permet de mieux se cacher (Méchoulan 1991, p.15 et sq.). Mais
rapidement, l’Inquisition se fait féroce. Les juifs qui fuiront la péninsule se
feront appeler « portugais » aux Pays-Bas, qu’ils soient portugais ou
espagnols (Méchoulan 1991, p.15).
En 1556, les
provinces du Nord de la monarchie espagnole, les Pays-Bas et la Belgique
actuels, se révoltent. C’est une longue guerre qui commence. En 1579, la
déclaration d’Utrecht fonde la nouvelle nation. Son article 13 précise que nul
ne peut être inquiété pour ses opinions religieuses. Après 80 ans de guerre
interrompue par une trêve entre 1608 et 1621, la République des Provinces-Unies
se voit reconnue en 1648. Elle apparaît comme un havre de paix et de prospérité.
Descartes (1596-1650) s’y était installé malgré la guerre. Il en propose une
description qui mérite d’être citée dans une lettre à l’écrivain libertin
Jean-Louis Guez de Balzac (1597-1654) datée du 5 mai 1631 :
« Même vous devez pardonner à mon zèle, si je
vous convie de choisir Amsterdam pour votre retraite et de le préférer, je ne
vous dirai pas seulement à tous les couvents des Capucins et des Chartreux, où
force honnêtes gens se retirent, mais aussi à toutes les plus belles demeures
de France et d’Italie, même à ce célèbre Ermitage dans lequel vous étiez
l’année passée. Quelque accomplie que puisse être une maison des champs, il y
manque toujours une infinité de commodités, qui ne se trouvent que dans les
villes ; et la solitude même qu’on y espère ne s’y rencontre jamais toute
parfaite. Je veux bien que vous y trouviez un canal, qui fasse rêver les plus
grands parleurs, et une vallée si solitaire, qu’elle puisse leur inspirer du
transport et de la joie ; mais mal aisément se peut-il faire, que vous
n’ayez aussi quantité de petits voisins, qui vous vont quelquefois importuner,
et de qui les visites sont encore plus incommodes que celles que vous recevez à
Paris. Au lieu qu’en cette grande ville où je suis, n’y ayant aucun homme,
excepté moi, qui n’exerce la marchandise, chacun y est tellement attentif à son
profit, que j’y pourrais demeurer toute ma vie sans être jamais vu de personne.
Je vais me promener tous les jours parmi
la confusion d’un grand peuple, avec autant de liberté et de repos que vous
sauriez faire dans vos allées, et je n’y considère pas autrement les hommes que
j’y vois, que je ferais les arbres qui se rencontrent en vos forêts, ou les
animaux qui y paissent. Le bruit même de leur tracas n’interrompt pas plus mes
rêveries que ferait celui de quelque ruisseau. Que si je fais quelquefois
réflexion sur leurs actions, j’en reçois le même plaisir, que vous feriez de
voir les paysans qui cultivent vos campagnes ; car je vois que tout leur
travail sert à embellir le lieu de ma demeure, et à faire que je n’y manque
d’aucune chose. Que s’il y a du plaisir à voir croître les fruits en vos vergers,
et à y être dans l’abondance jusqu’aux yeux, pensez-vous qu’il n’y en ait pas
bien autant, à voir venir ici des vaisseaux, qui nous apportent abondamment
tout ce que produisent les Indes, et tout ce qu’il y a de rare en Europe ?
Quel autre lieu pourrait-on choisir au reste du monde, où toutes les commodités
de la vie, et toutes les curiosités qui peuvent être souhaitées, soient si
faciles à trouver qu’en celui-ci ? Quel autre pays, où l’on puisse jouir
d’une liberté si entière, où l’on puisse dormir avec moins d’inquiétude, où il
y ait toujours des armées sur pied exprès pour nous garder, où les
empoisonnements, les trahisons, les calomnies soient moins connus, et où il
soit demeuré plus de reste de l’innocence de nos aïeux ? Je ne sais comment
vous pouvez tant aimer l’air d’Italie, avec lequel on respire si souvent la
peste, et où toujours la chaleur du jour est insupportable, la fraîcheur du
soir malsaine, et où l’obscurité de la nuit couvre des larcins et des meurtres.
Que si vous craignez les hivers du Septentrion, dites-moi quelles ombres, quel
éventail, quelles fontaines vous pourraient si bien préserver à Rome des
incommodités de la chaleur, comme un poêle et un grand feu vous exempteront ici
d’avoir froid ? » Descartes,
Lettre à Guez de Balzac du 5 mai 1631.
Pour sa part,
voilà comment Spinoza la décrira après son illustre devancier :
« Que la ville d’Amsterdam nous soit
en exemple, cette ville qui, avec un si grand profit pour elle-même et à l’admiration
de toutes les nations, a goûté les fruits de cette liberté ; dans cette
république très florissante, dans cette ville très éminente, des hommes de
toutes nations et de toutes sectes vivent dans la plus parfaite concorde et s’inquiètent
uniquement, pour consentir un crédit à quelqu’un, de savoir s’il est riche ou
pauvre et s’il a accoutumé d’agir en homme de bonne foi ou en fourbe. D’ailleurs
la Religion ou la secte ne les touche en rien, parce qu’elle ne peut servir à
gagner ou à perdre sa cause devant le juge ; et il n’est absolument aucune
secte, pour odieuse qu’elle soit, dont les membres (pourvu qu’ils ne causent de
tort à personne, rendent à chacun le sien et vivent honnêtement) ne soient
protégés et assistés par l’autorité des magistrats. » Spinoza, Traité théologico-politique (anonyme 1670), traduction de Charles
Appuhn (1862-1942), chapitre XX.
C’est à la fin
du xvi° qu’arrivent les premiers
juifs de la communauté d’Amsterdam de la péninsule ibérique parmi lesquels on
compte donc le grand-père et le père de notre philosophe (Méchoulan 1991,
p.22-23). Un statut, préparé notamment par le philosophe et juriste Hugo Grotius
(1583-1645), leur est octroyé au terme duquel certaines fonctions leurs sont
interdites (comme le commerce de détail mais non le commerce en gros). Il leur
est fait obligation de croire et de pratiquer le judaïsme contrairement à
certaines sectes protestantes qui demeurent interdites malgré la tolérance de
principe. Les juifs n’ont pas l’obligation de vivre dans un ghetto. Ils ont
l’interdiction de faire du prosélytisme et d’écrire contre le christianisme (cf.
Méchoulan 1991, p.24-26). Rapidement, se constituent trois communautés.
Le père du
philosophe, Michael d’Espinoza, fait dans le commerce international d’épices et
de fruits secs. Il a eu deux enfants avec sa première épouse, Rachel :
Isaac et Rebecca. Après son décès en 1627, il épouse Hanna Debora, la mère de
notre philosophe. Elle eut Miriam, née vers 1629 et après Baruch, Gabriel, né
entre 1634 et 1638. Le 5 novembre 1638, sa mère décède.
À partir de
1639, Spinoza fait ses études dans une école rabbinique, Ets Haïm, c’est-à-dire
« arbre de vie » ou Keter Torah, c’est-à-dire « couronne de la Torah ». Il a pour
professeur Menasseh Ben Israël (1604-1657), dont Rembrandt (1606-1669) a fait
un portrait (1640) et Saül Levi Morteira (1596-1660). Il travaille aussi dans
la maison de commerce de son père. La langue qu’utilisent les juifs d’Amsterdam
pour les affaires est le portugais, mais pour la culture, c’est le castillan
(c’est-à-dire l’espagnol). La plupart ignore totalement l’hébreu à tel point
que leur connaissance religieuse nécessite l’usage de traduction en castillan
de la Bible et des autres textes (cf.
Méchoulan 1991, p.28-32).
Le 28 avril 1641,
le père de Spinoza, Michael épouse sa troisième femme, Esther de Soliz
(~1601-1653).
À la fin des
années 1630, Spinoza assiste au châtiment d’Uriel da Costa (1585-1640). Né
Gabriel et catholique au Portugal, il reçoit une formation universitaire thomiste.
Il rejette le catholicisme et se forge un judaïsme personnel par la lecture de
l’Ancien Testament. Arrivé à
Amsterdam, il est rapidement en opposition avec le judaïsme que les rabbins
tentent de faire vivre. Il est d’abord convaincu qu’il n’y a pas d’immortalité
de l’âme puisqu’il n’en trouve pas la mention dans l’Ancien Testament. Selon lui, la seule différence entre l’homme et
les animaux, c’est la présence d’une âme raisonnable. En 1625, il est une
première fois condamné par le magistrat d’Amsterdam sollicité par la communauté
juive à une forte amende et à voir ses livres brûlés. Un herem est prononcé
contre lui. Le herem est une sorte d’excommunication qui conduit le condamné à
l’isolement. Il est interdit de lui adresser la parole, il ne peut participer
au culte à la synagogue et ne peut bénéficier, s’il est dans le besoin de la
charité de la communauté. Économiquement, il est exclu des relations de la
communauté juive. La durée du herem est variable, de un jour à plusieurs
années. Rares sont les peines à vie (cf. Méchoulan 1991, p.53-54). Uriel
da Costa porte sa critique ensuite sur Moïse, invention des religieux pour leur
plus grand profit selon lui. Il se réconcilie avec la communauté juive
d’Amsterdam. Mais un second herem a vraisemblablement été prononcé contre lui
en 1633. Seul, isolé, ne pouvant se livrer à aucune activité commerciale, il
tente une nouvelle conciliation. Elle lui est accordée moyennant une
rétractation de ses thèses et un châtiment exemplaire : il reçoit 39 coups
de fouet (peine exceptionnelle selon Méchoulan 1991, p.56) et les membres
de la communauté enjambent son corps. La communauté juive s’unit pour
promouvoir l’orthodoxie le 3 avril 1639.
C’est en 1640
qu’Uriel da Costa se serait suicidé. Il laisse une autobiographie intitulé Exemplar vitæ humanæ connue par une
source chrétienne (sur lui, cf. Méchoulan 1991, p.41-46). La même année,
le Portugal recouvre son indépendance.
En 1644,
Michael de Espinoza est en relations d’affaires avec des cryptojuifs installés
à Londres (cf. Méchoulan 1991, p.80-81).
En 1648, après
la paix de Munster avec l’Espagne, les sept Provinces-Unies néerlandaises
proclament leur indépendance.
Durant l’année
scolaire 1649-1650, Michael de Espinoza est l’un des trois parnassim (parnas au
singulier, c’est-à-dire dirigeant donc ayant une certaine richesse) du Mahamad (terme
hébreu pour désigner le comité directeur de la communauté juive) d’Amsterdam
(cf. Méchoulan 1991, p.118). Il fait partie des dédicataires de l’ouvrage
de Menasseh Ben Israël, Esperanza de
Israel (1650) Dans cet ouvrage, tout en réfutant un des signes supposés de
l’arrivée du Messie, à savoir que les Indiens d’Amérique sont les descendants
des tribus perdues d’Israël, l’auteur soutient que temps de la Rédemption est
proche. L’issue de la guerre civile anglaise qui a commencé en 1640, à savoir
l’exécution du roi Charles 1er (1600-1649) le 30 janvier 1649 après
un procès devant le Parlement qui le déclara coupable de haute trahison, fait
partie à cette époque de ces signes supposés (cf. Méchoulan 1991, p.117).
Vers 1652 au
plus tôt, Spinoza apprend le latin ou en approfondit sa connaissance et apprend
un peu de grec à l’école du libertin érudit Francis Van den Enden (1602-1674)
qui ouvre cette année-là. Il y fait également du théâtre (Scala 2009, p.7,
p.51). Ce dernier, né à Anvers, a commencé à étudier chez les augustins, puis
chez les jésuites (de 1613 à 1623). Il est définitivement chassé de l’ordre en
1633. Il arrive à Amsterdam en 1645 (cf. Marc Bedjaï « Pour un État
populaire ou une utopie subversive » in Amsterdam XVII° siècle, p.195-198). C’est un disciple de Pierre
Gassendi (1592-1655), philosophe épicurien, chrétien, critique de Descartes et
favorable à Galilée (1564-1642). On considère parfois que Van den Enden est
devenu un esprit libre (cf. Rizk 2012, p.11). Spinoza a pu y apprendre des
éléments de philosophie et de sciences cartésiennes, mathématiques et physiques.
On prétend en suivant un de ses biographes, Jean Colerus (1647-1707), pasteur
luthérien, qu’il serait tombé amoureux de la fille de son professeur, Clara
Maria. Elle lui enseignait aussi le latin en l’absence de son père. Il voulait
l’épouser. Elle épousera un autre élève de son maître qui se convertira au
catholicisme pour elle. Miriam Spinoza, la plus jeune des sœurs de Spinoza, née
du troisième mariage de son père, meurt.
En octobre
1653, la troisième femme de son père meurt.
En mars 1654,
son père meurt. Spinoza dirige la maison de commerce avec son frère. Ils
vendent de l’huile et des fruits secs venant d’Espagne ou des Canaries. La
situation de l’entreprise est difficile (cf. Méchoulan 1991, p.76).
Vers 1655, il
fréquente des réunions de Juifs libéraux appelées tertulias, c’est-à-dire réunions
d’amis. Il fait la connaissance du cryptojuif ou marrane Juan de Prado (ou
Daniel selon le prénom juif qu’il s’est donné) qui venait d’Espagne. Celui-ci
professait des thèses opposées à la religion juive (comme au christianisme
d’ailleurs) : la négation du caractère divin de l’Écriture, la négation de
la Providence divine, la négation de l’immortalité de l’âme et en conséquence
la négation des châtiments et des récompenses après la mort. Les dirigeants de
la communauté juive lui demandent de faire amende honorable. Il le fait sans
aucune sincérité selon certains (par exemple Méchoulan 1991, p.139). Le
jeune Spinoza est soupçonné d’avoir également des pensées peu orthodoxes. Il
fait un don de six florins inscrit dans le livre des offrandes, preuve qu’il
s’acquitte de ses obligations.
En 1656, un
juif fanatique tente de l’assassiner. Il aurait gardé le manteau avec la trace
du couteau toute sa vie. Le 27 juillet, après ou avant cette tentative, Spinoza
est excommunié. Un herem accompagné d’une malédiction est prononcée contre lui
en portugais (cf. Méchoulan 1991, p.29, p.54-55). Il y est accusé
d’« horribles hérésies » et d’ « actes monstrueux » (cf.
Méchoulan 1991, p.140). C’est une des deux condamnations à vie connues
(Méchoulan 1991, p.54). Sa violence est exceptionnelle
(Méchoulan 1991, p.140 et sq.). Il aurait rédigé une Apologie pour justifier sa sortir de la Synagogue en espagnol qu’on
n’a pas retrouvée (cf. Révah 1958, p.174). Il apprend la taille des verres
optiques. Il gagne un procès contre son frère dans la succession puis lui
laissera tout. À la demande des autorités juives, le magistrat d’Amsterdam lui
intime l’ordre de quitter Amsterdam. Il s’installe à Ouwerkerk au sud
d’Amsterdam.
Après son
excommunication, Spinoza étudie peut-être à l’université de Leyde en auditeur
libre durant plusieurs années (cf. Révah 1995, p.202).
Les 13 et 27
janvier 1657, Van den Enden fait représenter son Philedonius ou le cœur voluptueux au théâtre d’Amsterdam (le texte
en a été récemment retrouvé). Entre temps, le 16 janvier, il donne une
représentation publique de La Jeune Fille
d’Andros du dramaturge latin Térence (190-159 av. J.-C.). Pendant ce
temps-là, le 14 février 1657, c’est au tour de Juan de Prado de subir un herem
qui n’interdit pas en ce qui le concerne un retour dans la communauté à la
différence de Spinoza. Tout laisse à penser qu’il n’a pas rompu radicalement
comme Spinoza avec sa communauté d’origine. La même année Rembrandt aurait
peint Spinoza sans le désigner notamment dans son David jouant de la harpe devant Saül. Jan Rieuwertsz (1617-1685) publie
la traduction en néerlandais des œuvres de Descartes par Jan Hendrijk
Glazemaker (1620-1682), futur traducteur des œuvres de Spinoza. Les 21 et 22
mai, Van den Enden donne avec ses élèves une représentation de L’Eunuque de Térence et une farce en
grec. Spinoza y participe.
En janvier
1659, Spinoza et Juan de Prado auraient fait une déclaration d’athéisme – au
sens religieux – à deux espagnols, un religieux augustin, Fr. Thomas Solano y
Robles et le capitaine Miguel Perez de Maltranilla selon le témoignage de ses
derniers (cf. Revah 1995, p.32-33). Ses amis, Louis Meyer (1629-1681) et Johannes
Koerbagh (1634-1672) soutiennent leur thèse de médecine à l’Université de Leyde.
Spinoza la fréquente peut-être. C’est à cette époque qu’un fanatique juif
aurait tenté de poignarder Spinoza (cf. Révah I.-S. « Spinoza et les
hérétiques de la communauté judéo-portugaise d’Amsterdam » in Revue de l’histoire des religions, tome
154 n°2, 1958, p.199).
En 1660 ou
l’année précédente, il s’installe dans le village de Rinjsburg près de Leyde.
Il se retrouve dans un cercle d’études avec des Collégiants, c’est-à-dire des
membres de différentes confessions qui prônent un culte intérieur sans dogme et
font une place assez large à la raison. Le marchand d’épices Jarig Jelles (~1620-1683),
le riche négociant Simon Joosten de Vries (1633/1634-1667), le marchand
mennonite Peter Balling ( ?-1664), les médecins Louis Meyer (1629-1681) et
Jean Bouwmeester (1630-1680) et le libéral libraire éditeur Jan Rieuwertz (1617-1685)
nous sont connus par sa correspondance (cf. Meinsma 1896, p.116-118).
Spinoza vit de la taille des verres optiques pour laquelle il est célèbre dans
toute l’Europe. Il dessine. Il se serait représenté dans le costume du
révolutionnaire napolitain Masaniello (1620-1647). Il expose à ses amis ce qui
deviendra le Court traité.
En 1661, Spinoza
commence un Traité de la réforme de
l’entendement, et de la voie par où le diriger au mieux dans la connaissance
des choses (Tractatus de intellectus
Emendatione et de via, qua optime in veram rerum cognitionem dirigitur) qui
demeurera inachevé et paraîtra après sa mort. En juillet, Henry Oldenburg (1619-1677)
lui rend visite à Rijnsburg près de Leyde. On peut penser que c’est Pierre
Serrurier ou Petrus Serrarius (1600-1660), un millénariste, qui a permis le
contact entre les deux hommes (Meinsma 1896, note 1 p.195). Il écrit à
Spinoza en août (Lettre 1, datée du 26 août 1661) en lui rappelant les thèmes
de leur conversation. Il l’interroge sur la métaphysique et sur Descartes et
Bacon. Il lui signale l’œuvre de Robert Boyle. Spinoza répond à Oldenburg
peut-être en septembre (Lettre 2 [septembre 1661]. Il définit Dieu comme
substance unique et propose une esquisse de la méthode géométrique de la future
Éthique (qui est perdue). Il critique
Descartes et Bacon essentiellement sur la notion de volonté libre. À l’automne,
il séjourne à Amsterdam. Il rassemble pour ses amis ses idées dans le Court traité. Il fait commerce de la
taille des lentilles.
Au début de
1662, le Court Traité est achevé. Il
n’est pas publié mais des copies circulent. L’ami de Spinoza, Pieter Balling
( ?-1669), publie La Lumière sur le
candélabre. Spinoza commence à rédiger sa philosophie.
En 1663, Henry
Oldenburg (1618-1677) devient premier secrétaire de la Royal Society , c’est-à-dire
l’Académie royale des sciences du Royaume Uni. Commence une épidémie qui fera
10 000 morts en deux ans. En avril, Spinoza quitte Rijnsburg pour Voorburg
qui est près de La Haye ,
siège du gouvernement. Il habite chez un peintre, Daniel Tydeman. Vivent près
de lui l’écrivain Constantin Huygens (1596-1687) et son fils, le physicien,
mathématicien, astronome et membre de l’Académie de sciences de Paris, Christian
Huygens (1629-1695), un de ses clients pour les lentilles. Il lui reprochait de
toujours travailler à la main alors que lui-même avait mis au point un tour
pour polir les lentilles. Il écrit :
« Je me souviens
toujours des petites lentilles que le juif de Voorburg avait dans ses
microscopes, qui étaient étonnamment bien polies, mais pas sur toutes leurs
surfaces. » cité par Scala 2009, p.49.
Il fréquente aussi des
néo-épicuriens, déistes et libertins : le savant hollandais Isaac Vossius
(1618-1689), le libre-penseur français Charles de Saint-Evremond (1614-1703) et
le diplomate anglais Sir William Temple (1628-1699). En effet, tous trois
étaient à La Haye. Ils font partie des penseurs opposés au christianisme (cf.
Jonathan Israël, « La querelle sur Confucius dans les Lumières européennes
(1670-1730). On trouve aussi près de lui le calviniste Gabriel de Saint-Glain
ou Saint-Glen (~1620-1684), futur traducteur (1678) en français du Traité théologico-politique (sans nom
d’auteur et sous les trois titres suivants : La Clé du sanctuaire, Traité des cérémonies superstitieuses des Juifs et Réflexions curieuses d’un esprit
désintéressé) pour lequel il fut aidé du philosophe lui-même. À l’automne,
il publie RENATI DES CARTES Principiorum Philosophiæ
Pars I & II, more geometrico demonstratae Accesserunt ejusdem COGITATA
METAPHYSICA, In quibus difficiliores, quaetam in partes Metaphysices generali,
quam speciali occurunt, quaestiones breviter explicantur (Parties I & 2 des Principes de la Philosophie
de René Descartes, démontrées à la manière géométrique auxquelles sont ajoutées
des Pensées métaphysiques dans lesquelles les questions les plus difficiles qui
se rencontrent tant dans la partie générale que dans la partie spéciale de la
métaphysique sont brièvement expliquées) grâce au financement de Jarig
Jelles. Le livre est destiné à un disciple, Johannes Cæesarius. L’analyse de
l’ouvrage de Descartes n’est rien d’autre que le cours de philosophie que
Spinoza lui a donné, cours qui ne reflète en rien sa propre philosophie comme
il l’explique dans une lettre à Simon de Vries (lettre 9, Spinoza, Correspondance, p.84) car il se méfie du
jeune homme. Ce sera le seul livre publié par Spinoza sous son nom. La préface
de Louis Meyer permet de savoir que l’exposé de Spinoza se veut fidèle mais
n’est pas celui d’un disciple. Il rencontre Jean de Witt (1625-1672), le Grand
Pensionnaire des Provinces-Unies depuis 1653, homme fort de la République avec
son frère, Cornelis de Witt (1623-1672). Plus précisément, le titre de grand
pensionnaire était décerné au pensionnaire de la province de Hollande qui avait
la prééminence sur les six autres provinces : la province de Zélande, la
province d’Overijssel, la province de Frise, Groningue, la province de Gueldre,
la province d’Utrecht, ancienne seigneurie. Spinoza recevra de Jean de Witt une
pension. Au printemps, Spinoza séjourne à Amsterdam.
En 1664, son
ami Pieter Balling perd son fils, mort de la peste et meurt lui-même de la même
maladie. Spinoza se met à l’abri de l’épidémie chez Simon Joosten De Vries dans
son domaine agricole près du village de Schiedam à partir de décembre. La
traduction en néerlandais des Principia
paraît dans une traduction de Pieter Balling. Elle est financée par Jarig Jelles.
En février 1665,
Spinoza quitte son refuge contre la peste. Le 21 janvier, un jour de jeûne et
de prière est décidé par les autorités pour conjurer la pestilence et la colère
de Dieu pendant l’épidémie qui sévit encore. De fin mars à avril, Spinoza séjourne
à Amsterdam. Il a commencé à travailler à son Traité théologico-politique (TTP)
comme le montre une lettre qu’il reçoit d’Oldenburg (Lettre 29 ; cf. Laux
Henri, « Le Traité théologico-politique dans la correspondance de Spinoza »,
Revue de métaphysique et de morale,
2004/1 n° 41) Il y répond en indiquant clairement qu’il travaille au TTP (cf. Lettre 30 à Oldenburg daté du 7
octobre, cf. Spinoza, Correspondance,
p.202-203). Oldenburg lui demande dans sa lettre datée du 5 décembre (lettre 33)
ce qu’il pense du bruit selon lequel les Juifs vont bientôt retrouver la Terre
promise, signe de l’arrivée du Messie en qui la croyance messianiste était
forte à ce moment, ce qui n’émeut pas Spinoza (cf. Méchoulan 1991, p.123).
En juin, Spinoza donne à Bouwmeester la troisième partie de la Philosophie. La population de Voorburg
se querelle pour remplacer le pasteur du village. Spinoza est dénoncé parce
qu’il est né de parents juifs et qu’il serait athée par les calvinistes
orthodoxes. À l’automne, il délaisse la rédaction de la Philosophie pour celle du Traité
théologico-politique.
Le 31 juillet
1667 le traité de Breda met fin à la deuxième guerre anglo-néerlandaise. Le 26
septembre, Simon de Vries meurt. Sa sœur assure une rente à Spinoza de 500
florins. Il la fait réduire à 300 florins (le salaire annuel d’un ouvrier
spécialisé est d’environ 150 florins à cette époque).
En 1668,
Spinoza est avancé dans la rédaction de son Traité
théologico-politique. Johannes Koerbagh, puis son frère, Adriaan Koerbagh
(1632-1669) sont emprisonnés. Ils sont interrogés sur leur lien avec Abraham
Theodori Van Berckel (1639-1686), traducteur en 1667 en néerlandais du Léviathan de Hobbes, Van den Enden, le
socinien Jan Knol ( ?-1672) et … Spinoza. Le premier Koerbagh est libéré.
Le second est accusé à cause de son ouvrage La
lumière dans les ténèbres (édité au XX° siècle après avoir été trouvé dans
les archives judiciaires) qui critique la religion chrétienne. Interrogé, il
est sommé de dénoncer Spinoza comme son inspirateur, ce qu’il refuse de faire.
Il est condamné pour blasphème à dix ans de prison le 27 juillet.
Le 15 octobre
1669, Adriaan Koerbagh meurt en prison. À la fin de l’année (ou au début de la
suivante) Saint-Evremond rend visite à Spinoza. Spinoza a peut-être déjà quitté
Voorburg pour La Haye où il s’installe chez Johanna van Dobben, la veuve de
l’avocat Willem Van der Werve.
Vraisemblablement
en avril 1670, Spinoza publie sans nom d’auteur, en latin avec la fausse
mention d’une édition à Hambourg alors qu’il est édité à Amsterdam son Traité théologico-politique contenant
quelques dissertations quelques dissertation où il est montré que la liberté de
philosopher peut être accordée non seulement pour la piété, et pour la paix de
la république : mais qu’elle ne peut être supprimée sans qu’en même temps
soient supprimées la paix de la république et la piété elle-même (Tractatus Theologico-politicus continens
Dissertationes aliquot, quibus ostenditur libertatem philosophandi non tantum
salva pietate, & reipublicae pace posse concedi : sed eandem nisi cum
pace republicae, ipsaque pietate tolli non posse). Peut-être que Jarig
Jelles a aidé à la publication. L’ouvrage propose notamment une critique
historique et philologique de la Bible,
essentiellement de l’Ancien Testament,
qui fait scandale jusqu’à nos jours. On l’a ainsi accusé d’être antisémite. Du
côté politique, il montre que la démocratie est le régime le plus naturel, ce
qui, dans une Europe où dominent les monarchies de droit divin apparaît comme
subversif. De nos jours, il suffit de faire de lui un précurseur du
totalitarisme pour le dénoncer. Il est reconnu rapidement comme en étant
l’auteur. On dénonce « le Juif athée de Voorburg ». Le professeur de
Leibniz (1646-1716), Jacob Thomasius (1622-1684) en rédige une réfutation (cf. Lærke
Mogens, « “À la recherche d’un homme égal à Spinoza.” G. W. Leibniz et la
Demonstratio evangelica de Pierre-Daniel Huet ») dès le 8 mai. Leibniz
quant à lui qui le lit à ce moment-là qualifie le traité de « livre
horrible » dans une lettre à Albert Von Holten (cf. Lærke Mogens,
« Leibniz, la censure et la libre pensée », Archives de Philosophie, 2007/2 Tome 70). Ironiquement, la même
année paraît la première édition posthume des Pensées de Pascal (1623-1662) qui défend la « vérité » du
christianisme dans son interprétation janséniste. Elle n’aura guère de succès
auprès des catholiques proche de la papauté, des différents protestants, etc.
Spinoza quitte Voorburg pour La
Haye où il loge chez le peintre Hendrick Van der Spyck
( ?-1716), membre du consistoire luthérien de La
Haye. C ’est dans cette congrégation que
sera prédicateur le biographe de Spinoza, Johannes Colerus.
Le 24 janvier 1671,
dans une lettre à Jacob Osten (Lettre 42) que celui-ci transmet à Spinoza, le
théologien protestant Lambert Van Velthuysen (1622-1685) expose le contenu du TTP. Il en conclut que Spinoza enseigne
l’athéisme, c’est-à-dire ne croit pas à la religion chrétienne. Il l’accuse de
duplicité dans sa façon de démontrer. Spinoza répond en réfutant l’accusation
d’athéisme. Il use d’un argument assez étrange. En effet, il écrit :
« Les athées, en effet, ont
l’habitude de rechercher les honneurs et les richesses, choses que j’ai
toujours méprisées ; tous ceux qui me connaissent le savent bien. »
Spinoza, Lettre 43 à Jacob Osten de
janvier ou février 1671.
Il considère que son texte ne
montre aucune duplicité. Le 17 février 1671, Spinoza, peut-être sur la demande
de Jean de Witt, fait arrêter la traduction du Traité théologico-politique en néerlandais (cf. Lettre 44 de
Spinoza à Jelles). En novembre, Spinoza propose à Leibniz de lui envoyer le TTP (lettre 46 de Spinoza à Leibniz). Ce
dernier se gardera de lui dire vraiment ce qu’il en pense, c’est-à-dire le plus
grand mal du point de vue religieux qui est le sien.
En 1672, c’est
la guerre entre la France
de Louis XIV (1638-1643-1715) et
l’Angleterre. La France
envahit les Provinces-Unies. Jean de Witt démissionne. Guillaume III d’Orange
(1650-1702), futur roi d’Angleterre, prend le pouvoir devenant capitaine
général et Stathouder, titre qu’il rétablit. Le 20 août les frères de Witt,
Jean et Cornelis, sont assassinés par la foule. Spinoza veut placarder une
affiche manuscrite « Ultimi barbarorum ». Van der Spyck l’empêche
d’affronter la colère populaire. L’anecdote a été rapportée par Leibniz qui la
tenait de Spinoza (cf. Meinsma 1896, p.340).
En 1673, il rejette
une offre d’enseigner à l’Académie d’Heidelberg (cf. Lucas, Vie de Spinoza ; cf. Lettre 48 du
30 mars 1673 à Fabritius) que lui avait faite par l’intermédiaire de son
conseiller, le docteur en théologie Fabritius, l’Électeur palatin Charles 1er
Louis (1617-1680) qui avait la réputation d’être un athée et un libertin. Il rencontre
peut-être à Utrecht le prince de Condé (1621-1686) (cf. Lucas, Vie de Spinoza).
En 1674 il se
rend à Amsterdam pour y faire publier l’Éthique.
Mais les attaques des théologiens et des cartésiens l’en dissuadent (cf. Lettre
68 à Henry Oldenburg). Rentré à La
Haye , il commence le Traité
politique qu’il n’achèvera pas. Les autorités des Provinces-Unis condamnent
officiellement le Traité
théologico-politique qui est interdit (cf. Laux Henri, « Le Traité
théologico-politique dans la correspondance de Spinoza », Revue de métaphysique et de morale,
2004/1 n° 41, p.45). Sa vente est interdite (cf. Scala 2009, p.91).
Le 21 juin 1675,
le consistoire d’Amsterdam demande une enquête sur le bruit qui court, Spinoza
va publier un livre. En juillet ou début août il séjourne à Amsterdam. Il vient
d’achever l’Éthique démontrée selon
l’ordre géométrique et divisée en cinq parties dans lesquelles il s’agit I De
Dieu II De la nature et de l’origine de l’esprit III De l’origine et de la
nature de l’esprit IV De la servitude humaine ou de la force des affects V De
la puissance de l’intellect ou de la liberté humaine (Ethica ordine geometrico demonstrata et in quinque partes distincta in
quibus agitur I De Deo II De natura & origine mentis III De origine &
natura affectuum IV De servitute humana seu de Affectuum viribus V De potentia
intellectus seu de Libertate humana. C’est son grand ouvrage qui expose sa
philosophie comme le montre la lettre d’Oldenburg datée du 22 juillet (lettre
61) qui mentionne une lettre de Spinoza datée du 5 juillet qui se réfère à un
Traité en cinq parties. Alors qu’il était venu pour trouver un éditeur, il
décide de ne pas publier sa grande œuvre comme le montre une lettre à Oldenburg
(lettre 68) qui répond à une lettre du précédent adressée à Spinoza daté du 22
juillet (lettre 62). Il commence à ce moment là le Traité politique qui restera inachevé. Sa “dernière” lettre
adressée « à un ami au sujet du traité politique » (lettre 84) (OC
IV, p.354-355) montre qu’il a rédigé six chapitres sur les onze que nous
possédons, le onzième sur la démocratie ou l’État absolu étant inachevé.
En novembre 1676
Leibniz lui rend visite par l’intermédiaire des correspondants allemands de
Spinoza, Ehrenfried Walther von Tschirnhaus (1651-1708) et Georg Hermann
Schuller (1651-1679). Il le niera ensuite, tant la réputation de Spinoza,
athée, immoraliste, est sulfureuse. Le synode de La Haye commande la recherche de
l’auteur du Traité théologico-politique.
Spinoza est malade. Il interrompt une traduction néerlandaise du Pentateuque (c’est-à-dire des cinq
premiers livres de l’Ancien Testament qui forme la Torah pour le judaïsme, à
savoir La Genèse , L’exode,
Le Lévitique, Le Deutéronome et Les Nombres),
une Grammaire hébraïque et un Traité de l’arc-en-ciel.
Spinoza meurt seul
dans l’après-midi d’un dimanche le 21 février 1677 dans la maison de Van Der
Spyck. Il aurait demandé ce jour-là que son Éthique
paraisse sans son nom (cf. Scala 2009, p.92). Un de ses amis, le médecin
Louis Meyer arrive et repart immédiatement avec tous les manuscrits pour
Amsterdam.
En novembre,
sont publiées grâce à un don anonyme les Œuvres
posthumes, à savoir l’Éthique, le
Traité politique (inachevé), le Traité de la réforme de l’entendement
(inachevé), les Lettres et réponses
(incomplètes), l’Abrégé de grammaire
hébraïque (inachevé).
Un prêtre
néerlandais déclarera : « Ci-git Spinoza ; crachez sur sa tombe ! »
tant la haine du philosophe fut profonde.
Bibliographie.
Œuvres de Spinoza.
Spinoza, Œuvres, traduction Charles Appuhn (1862-1842), réédité GF
Flammarion, 1965.
Volume 1 : Court traité, Traité de la réforme de l’entendement, Principes de la philosophie de Descartes, Pensées métaphysiques. Volume 2 : Traité théologico-politique. Volume 3 : Éthique. Volume 4 : Traité
politique, Correspondance.
Spinoza, Œuvres, Gallimard « La Pléiade », 1954.
Spinoza, Œuvres V, Tractatus
politicus. Traité politique, texte établi par Omero Proietti, traduction,
introduction, notes, glossaires, index et bibliographie par Charles Ramond avec
une notice de Pierre-François Moreau et des notes d’Alexandre Matheron, P.U.F.
« Épiméthée », mai 2005.
Spinoza, Correspondance, présentation et traduction par Maxime Rovere, GF
Flammarion, 2010.
Sur Spinoza.
Biographies contemporaines.
- Vie de B. de Spinoza, tirée des écrits de ce fameux philosophe et du témoignage de plusieurs personnes dignes de foi, qui l’ont connu particulièrement, par Jean Colerus, ministre de l’Église luthérienne de La Haye parût dans la même ville en 1706 et en français peu après son édition hollandaise.
- Vie de Spinoza, attribuée au médecin Jean-Maximilien Lucas (1646-1697), un disciple de Spinoza.
Études.
Balibar 1985 :
Étienne Balibar, Spinoza et la politique,
P.U.F. « Philosophies », 1985.
Brunschvicg
1924 : Léon Brunschvicg (1869-1944), Spinoza
et ses contemporains, P.U.F., 1971.
Delbos 1916 :
Victor Delbos (1862-1916), Le spinozisme,
Vrin.
Deleuze 1968 : Gilles
Deleuze (1925-1995), Spinoza et le
problème de l’expression, Minuit, 1968.
Deleuze 1981 : Gilles
Deleuze, Spinoza philosophie pratique,
Minuit, 1981.
Meinsma 1896 : Koenraad
Oege Meinsma (1865-1929), Spinoza et son
cercle : étude critique historique sur les hétérodoxes hollandais
(1896), Vrin, 1983, 2006.
Millet 1986 :
Louis Millet, Pour connaître Spinoza,
Bordas, 2ème édition, 1986.
Misrahi 1972 :
Robert Misrahi, Spinoza, Seghers, 3ème
édition 1972.
Misrahi 2005 :
Robert Misrahi, Spinoza, Éditions
Médicis-Entrelacs, 2005.
Moreau 1977 :
Joseph Moreau, Spinoza et le spinozisme,
P.U.F. « Que sais-je ? », 2ème édition, 1977.
Révah 1995 :
Israël Salvatore Révah (1917-1973), Des
marranes à Spinoza – Textes réunis par Henry Méchoulan, Pierre-François
Moreau et Carsten Lorenz Wilke, Vrin, 1995.
Rizk 2012 :
Hadi Rizk, Spinoza. L’expérience et
l’infini, Armand Colin, 2012.
Scala 2009 :
André Scala, Spinoza, Perrin, Tempus,
2009, réédition de Spinoza, Les
Belles Lettres, « Figures du savoir », 1998.
Zac 1972 :
Sylvain Zac, La morale de Spinoza,
P.U.F., 1972.
Articles.
Bouveresse
Renée, « Une lettre de Spinoza » in Revue Philosophique de Louvain, quatrième série, Tome 76, n°32,
1978. p.427-446.
Israël
Jonathan, « La querelle sur Confucius dans les Lumières européennes
(1670-1730) » traduit de l’anglais par Frank Lemonde, in Rue Descartes, 2014/2 n° 81, p. 64-83.
Laux Henri, « Le
Traité théologico-politique dans la correspondance de Spinoza », Revue de métaphysique et de morale,
2004/1 n° 41, p. 41-57.
Lærke Mogens,
« “À la recherche d’un homme égal à Spinoza.” G. W. Leibniz et la Demonstratio evangelica de Pierre-Daniel
Huet », Dix-septième siècle,
2006/3 n° 232, p.387-410.
Lærke Mogens,
« Leibniz, la censure et la libre pensée », Archives de Philosophie, 2007/2 Tome 70, p. 273-287.
Révah I.-S.
« Spinoza et les hérétiques de la communauté judéo-portugaise
d’Amsterdam » in Revue de l’histoire
des religions, tome 154 n°2, 1958.
Ouvrage
généraux.
Amsterdam XVII°. Marchands et
philosophes : les bénéfices de la tolérance, sous la direction d’Henry
Méchoulan, Autrement, 1993.
Méchoulan 1991 :
Henry Méchoulan, Être juif à Amsterdam au
temps de Spinoza, Albin Michel, 1991.
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