lundi 4 mai 2015

Fiche 6 : L’existence et le temps (L)

Georges de La Tour (1593-1652), La Madeleine aux deux flammes, (~1640), huile sur toile, 133.4 × 102.2 cm, Metropolitan Museum of Art, New York.

Analyse.

Notre existence paraît essentiellement temporelle. Lorsque nous nous affirmons avec certitude comme sujet parce que nier notre propre existence est impossible, c’est dans l’instant même. Serai-je ? Rien n’est moins sûr. Les choses quant à elles ne sont pas affectées par le temps. Le fleuve qui coule sous le pont Mirabeau d’Apollinaire (1880-1918) ne se sent pas disparaître. Même les vivants, les plantes, les animaux mêmes, semblent se cantonner au présent sans en prendre véritablement conscience. Quant à Dieu, s’il est, il est par définition éternel, c’est-à-dire hors du temps. Seul le sujet, c’est-à-dire l’être conscient et conscient de soi, existe temporellement.
Or, le temps paraît mystérieux. Fait d’un passé qui n’est plus, d’un avenir qui n’est pas encore et d’un présent qui passe avant même d’être saisi, le temps paraît ne pas être. Et pourtant, sa réalité ne fait aucun doute pour un être comme l’homme dont la conscience de sa propre fin est tel qu’il s’est appelé « mortel » dans la culture grecque.

Problèmes.

Le temps est-il adossé à une existence non temporelle, autrement dit à l’éternité, qui le rend possible ou bien a-t-il pour source le seul sujet ? Est-il la substance même de toute réalité ? Est-il alors ce qui me fait toujours devenir autre (« moi à cette heure, et moi tantôt, sommes bien deux » Montaigne, Essais, III, 9, De la vanité).
Le temps est-il une modalité de notre existence parmi d’autres ou bien au contraire est-il ce qui fait l’exister de l’existence qui se projette vers un avenir, se rapporte à un passé ou se présente aux choses ? Est-ce ainsi qu’il faut comprendre le sujet ? Autrement dit, l’existence précède-t-elle le sujet ou le définit-elle comme l’être qui ne coïncide jamais avec lui-même ou qui est toujours hors de lui-même, ce que paraît signifier le « ex » ?
Ne faut-il pas plutôt vivre au présent plutôt qu’exister, c’est-à-dire se perdre irrémédiablement dans des temps qui ne sont pas nôtres (cf. Pascal, Pensées, Lafuma 47 ; Brunschvicg 172), voire qui n’existent pas mais émanent du seul présent qui existe ? Que sont alors le passé et le futur ? Comment vivre au présent s’il faut toujours se projeter et se souvenir pour être un sujet et non un simple objet, voire un animal ?


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