Analyse.
La vérité concerne à la fois la théorie et la pratique.
On peut le remarquer à ses opposés. D’un côté, la vérité s’oppose à l’erreur, à
l’illusion, etc. D’un autre, elle s’oppose au mensonge.
Du côté de l’erreur (ou de l’illusion) on peut discerner :
1. La
vérité matérielle. On peut entendre par là la relation entre
les propositions et la réalité. Une proposition est vraie si et seulement si
elle correspond à l’objet qu’elle exprime. La proposition “il fait beau” est
vraie s’il fait beau et fausse s’il pleut, vente, fait froid. La vérité est
pensée comme adéquation de la pensée avec son objet.
2. La
vérité logique. Elle concerne les relations entre des
propositions indépendamment de leur rapport à quelque objet. Ainsi, une
addition est vraie ou fausse si elle est conforme aux règles de l’addition. Peu
importe qu’il y ait ou non des objets à additionner. La vérité est pensée comme
cohérence.
3. La
vérité ontologique. On peut entendre par là les “choses” dont
on dit qu’elles sont vraies par opposition à leur apparence. On parle de fausse
monnaie ou d’un vrai Van Gogh, preuve que la vérité est directement attribuée à
la “chose” avant que d’être transformée en proposition. De façon générale, dire
que quelque chose est vraie, c’est dire qu’elle existe, et qu’elle existe de
telle façon selon tel aspect et non que la proposition correspond à quelque
chose. La vérité est pensée comme dévoilement de l’être.
Du côté du mensonge, la vérité consiste non pas à exprimer ce qui est
mais à dire ce qu’on pense être vrai. On peut la nommer véracité. En effet, il
est tout à fait possible de mentir sans connaître le vrai, il suffit de dire
autre chose que ce que l’on croit vrai. On peut même mentir en disant le vrai
si ce qu’on croit est faux. C’est la raison pour laquelle le mensonge paraît
être dans l’intention et non dans le contenu de ce qu’on dit. Dès lors, l’homme
peut être vérace ou véridique même s’il ignore la vérité.
Problèmes.
Premièrement, des trois sens de la vérité que nous
avons dégagés, lequel est le vrai ?
1. Est-ce l’idée d’une adéquation de la pensée avec
son objet (Thomas d’Aquin, Descartes, Kant, …) ? Certes, la vérité
seulement logique est la validité et ce qu’elle énonce a à être prouvé. Quant à
une chose fausse, elle l’est dans l’esprit de celui qui la croit vraie.
Toutefois, comment sortir de sa représentation pour
vérifier qu’elle est vraie ? Comme c’est proprement impossible, soit on
trouve un critère intrinsèque au sujet (l’évidence, l’impression, etc.) dont la
vérité peut être remise en cause, soit il faut renoncer à ne voir dans cette
définition autre chose qu’un nid de difficultés.
2. La conception de la vérité comme cohérence de
toutes les représentations dessine une conception de la vérité comme système
qui évite l’absurdité d’une représentation qui serait hors d’elle-même (David
Hilbert [1862-1943], Harold Joachim [1868-1938]).
Néanmoins, la vérité-cohérence n’évite pas la
présupposition d’une réalité absolument cohérente c’est-à-dire finalement la
pétition de principe.
3. Quant à l’être, sa manifestation est nécessaire
sans quoi il faudrait penser que l’homme est comme enfermé dans ses pensées –
ce que l’expérience dément (Heidegger, De
l’essence de la vérité).
Mais cette manifestation elle-même repose sur l’a priori de ce qui est et de ce
qui ne peut pas être.
Deuxièmement, le mensonge auquel s’oppose la véracité
pose un autre problème. Il faut convenir que le mensonge est immoral puisqu’il
consiste non seulement à ne pas dire ce qu’on pense être vrai, mais c’est en
vue d’utiliser l’autre, c’est-à-dire par intérêt égoïste. Aussi dire la vérité
semble être un devoir. Il faut préciser qu’on ne peut dire la vérité au sens
moral que si et seulement si elle est dite sans intention de blesser autrui ou
de lui nuire. N’est-ce pas mentir alors ? Dès lors, on peut se demander
s’il n’y a pas des cas où il est impossible de ne pas mentir et où le mensonge
n’est pas immoral. Comment déterminer ces cas ?
Troisièmement, la recherche de la vérité présuppose
qu’elle existe et qu’on l’ignore. Affirmer l’existence même de la vérité alors
qu’on ne la connaît pas semble être proprement une sorte de mensonge. Mais nier
son existence ou la possibilité de la connaître comme le scepticisme paraît
contradictoire. De façon plus générale donc, l’idée même de chercher la vérité
n’est-elle pas essentiellement morale ?
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