mercredi 6 mai 2015

Fiche 12 : Théorie et expérience

Galilée (1564-1642), dessin de la lune publié dans Le messager des étoiles, 1610.

Analyse.

La notion de théorie prend pour le sens commun actuel le sens de considérations chimériques, abstraites, coupées du réel. Et on l’oppose justement à l’expérience qui rend possible le contact avec le réel. Avec l’expérience, on entrerait directement en contact avec le concret.
Étymologiquement, la théorie trouve sa source dans la conception platonicienne de la connaissance selon laquelle la raison est une capacité qui permet d’appréhender ce qui est pleinement, voire ce qui est au-delà de l’essence, l’Idée ou la Forme du Bien (La République, livre VI, 509b). Elle exclut dans un premier temps au moins d’agir. Aristote renchérira en distinguant la vie théorétique de la vie pratique, la première étant vouée à la pure connaissance (Éthique à Nicomaque, livre X). En ce sens, l’expérience s’oppose à la théorie comme ce qui au contraire attache au concret, au relatif, au règne de l’opinion, c’est-à-dire à la représentation de l’apparence. Toutefois, selon Aristote, l’expérience est absolument nécessaire pour agir ou pour faire et la simple théorie peut se retrouver insuffisante.
La réévaluation de l’expérience accompagne l’apparition de la science moderne qui est, en même temps, éminemment théorique.
D’une part la théorie prend alors le sens d’un système de type mathématique qui, reposant sur des principes considérés comme évidents, soit par la pure lumière de la raison (rationalistes), soit par l’induction (empiristes), déduit des propositions qui doivent être confrontées à l’expérience entendue comme construction artificialiste d’une tentative de faire répondre la nature pour découvrir la vrai (cf. Kant, Critique de la raison pure, préface de la 2ème édition de 1787).
D’autre part, la théorie se limite dans ses ambitions aux faits, et elle est théorie scientifique. Toute autre théorie est taxée rapidement de « métaphysique ». Elle est réputée ni vraie ni fausse. Elle apparaît aux yeux du positivisme d’Auguste Comte comme un stade dépassé de la connaissance (cf. Cours de philosophie positive, 1ère leçon).
Enfin, la théorie au sens moderne a une valeur technique s’il est vrai qu’elle permet de fabriquer des objets toujours nouveaux qui répondent et créent des besoins toujours plus nombreux. Son idéal est celui de la maîtrise de la nature prônée par Bacon et Descartes. Le premier soutenant que « l’empire de l’homme sur les choses n’a d’autre base que les arts et les sciences, car on ne peut commander à la nature qu’en lui obéissant » (Novum Organum, I, § 129, 1620). Le second qu’il faut abandonner la pure théorie prônée dans l’Antiquité pour une connaissance qui doit « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature » (Discours de la méthode, VI° partie, 1637).

Problèmes.

Le premier problème est de savoir quelle est la part et quelle est la place respective de la théorie et de l’expérience dans notre recherche de la vérité : l’expérience est-elle première ou est-ce la théorie ?
Le second problème est de savoir si, de la théorie ou de l’expérience, il y en a une qui permet plus que l’autre d’avoir un juste rapport au réel. Et si oui, sous quelle forme ?




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